Auteur : Pierre Allain

Inhibiteurs des canaux potassiques

Les médicaments qui favorisent la fermeture des canaux potassiques ont, en principe, les effets inverses des ouvreurs. Selon leur affinité préférentielle pour les canaux potassiques des différents organes, ils augmentent la sécrétion d’insuline, augmentent la durée du potentiel d’action cardiaque et pourraient augmenter les résistances vasculaires périphériques.

Leur utilisation thérapeutique découle de leur effet hypoglycémiant et de leur effet antiarythmique.

Inhibiteur à effet hypoglycémiant

Les médicaments de ce groupe sont des sulfamides hypoglycémiants.

Au niveau des cellules ß du pancréas, ils favorisent la fermeture des canaux potassiques dépendants de l’ATP, ce qui entraîne une augmentation de la concentration intracellulaire de K+ et l’ouverture des canaux calciques voltage-dépendants.

Les sulfamides hypoglycémiants sont le tolbutamide, le chlorpropamide, le carbutamide, le glipizide, le glibenclamide, le glibornuride, le gliclazide et le glimépiride (Voir « Sulfamides hypoglycémiants ».).

Inhibiteur à effet antiarythmique

Les médicaments qui ont des effets antiarythmiques en favorisant la fermeture des canaux potassiques constituent la classe III des antiarythmiques de Vaughan-Williams. En favorisant la fermeture des canaux potassiques du tissu conducteur cardiaque, ils freinent la sortie du potassium et prolongent la durée du potentiel d’action et, par conséquent, la durée de la période réfractaire, sans modifier la vitesse de conduction.

Les deux médicaments qui, outre leurs autres propriétés, favorisent la fermeture des canaux potassiques sont l’amiodarone et le sotalol.

  1. Amiodarone.
    C’est le principal antiarythmique de la classe III.
    En dehors de son effet sur les canaux potassiques, l’amiodarone a des effets a et ß-bloqueurs, responsables de la diminution des résistances périphériques.
    Sur le plan pharmacocinétique, l’amiodarone qui est une molécule iodée, se fixe à certains tissus et a une demi-vie plasmatique de l’ordre d’un mois. Elle est en partie métabolisée par désiodation et l’iode libéré est retrouvé dans le plasma et l’urine sous forme d’iodure.
    L’amiodarone est indiquée dans les troubles du rythme cardiaque résistants au traitement par les autres antiarythmiques.

     

    Amiodarone

    CORDARONE* Cp 200 mg, Inj

    Ayant elle-même un effet bradycardisant, l’amiodarone est contre-indiquée en cas de bradycardie sinusale, de bloc sino-auriculaire et auriculo-ventriculaire.
    L’association de l’amiodarone à certains médicaments est déconseillée :
    • aux antiarythmiques de la classe I, car il y a risque majoré de torsades de pointes.
    • aux ß-bloquants, car il y a risque majoré de bradycardie excessive.
    L’hypokaliémie augmente la fréquence de ces accidents.
    L’amiodarone peut entraîner plusieurs effets in-désirables :
    • manifestations ophtalmiques liées à des dépôts cornéens donnant des halos colorés,
    • manifestations thyroïdiennes fréquentes, le plus souvent des hyperthyroïdies pouvant nécessiter, outre l’arrêt de l’amiodarone, un traitement par des antithyroïdiens de synthèse ou la corticothérapie, et plus rarement des hypothyroïdies.
    • manifestations cutanées favorisées par l’exposition au soleil qui est déconseillée.
    • pneumopathies interstitielles diffuses.
    • troubles hépatiques, avec élévation des transaminases.
    En dépit de ses effets indésirables non négligeables, l’amiodarone, en raison de son efficacité, est encore fréquemment utilisée dans le traitement des arythmies cardiaques résistantes aux autres traitements.
  2. Sotalol
    Le sotalol favorise la fermeture des canaux potassiques mais a de plus des propriétés ß-bloquantes, non sélectives, sans activité ß-mimétique.
    Le sotalol est un racémique : seul un des isomères est ß-bloquant, mais les deux isomères prolongent la durée du potentiel d’action cardiaque par inhibition de l’ouverture des canaux potassiques, ce qui ralentit la repolarisation. Il a donc les indications et les contre-indications des ß-bloqueurs (Voir « Antagonistes des récepteurs bêta ou bêta-bloquants ».) et les particularités d’un anti-arythmique de la classe III.

     

    Sotalol

    SOTALEX* Cp 80 et 160 mg, Inj

     

Remarque :

L’ibutilide (CORVERT*) dont la structure chimique présente une grande analogie avec celle du sotalol, prolonge la durée du potentiel d’action en augmentant la durée d’ouverture des canaux sodiques lents voltage-dépendants (Voir « Sodium et médicaments ».) ; son effet sur les canaux potassiques est complexe et relativement mineur à dose thérapeutique.

Le dofétilide, non commercialisé en France, inhibe l’ouverture des canaux potassiques à ouverture retardée. Il est indiqué dans le traitement des fibrillations et des flutters auriculaires. Son principal danger est de provoquer des torsades de pointes.

Brétylium tosylate : Le brétylium qui a été commercialisé sous le nom de BRÉTYLATE* augmente la durée du potentiel d’action et a de plus un effet sur la libération des catécholamines : dans un premier temps, il augmente leur libération, et dans un deuxième temps, il la bloque. Il est indiqué dans le traitement des rechutes des arythmies ventriculaires sévères, réfractaires aux autres traitements, et le traitement curatif des tachycardies ventriculaires.

De nombreux médicaments dont la propriété principale n’est pas d’agir sur les canaux potassiques peuvent cependant les inhiber. En ralentissant la sortie de potassium hors de la cellule, ils prolongent l’espace QT de l’electrocardiogramme et risquent de donner des torsades de pointes. Parmi ces médicaments on peut citer le cisapride, divers antihistaminiques et neuroleptiques.

Remarques

  1. Des modificateurs de l’ouverture des canaux potassiques peuvent inhiber la prolifération cellulaire, celle du mélanome par exemple, ce qui laisse entrevoir des applications thérapeutiques nouvelles.
  2. Le potassium et les digitaliques sont en compétition pour la fixation sur la Na+/K+-ATPase : une diminution de la kaliémie augmente les effets des digitaliques et inversement.
  3. Le thallium a été et est parfois utilisé localement comme dépilatoire. Il est par ailleurs utilisé comme raticide. Il s’agit d’un élément très toxique, qui provoque en cas d’intoxication des troubles neurologiques et une alopécie. Cette dernière apparaît en deux ou trois semaines après le début de l’intoxication.
    Compte-tenu de la similitude de l’ion thallium Tl+ (et non Tl3+) avec l’ion K+, on peut supposer que l’effet dépilatoire résulte de la fermeture des canaux potassiques. L’effet du thallium est opposé à celui du minoxidil qui est un ouvreur des canaux potassiques.
  4. Des aminopyridines telles que la 4-amidopyridine et la 3-4-diamidopyridine inhibent les canaux potassiques voltage-dépendants au niveau des terminaisons synaptiques, ce qui entraîne une dépolarisation, l’entrée de calcium et une augmentation de la libération d’acétylcholine. Ils pourraient avoir un intérêt dans le traitement de certains troubles de la transmission neuromusculaire, notamment d’origine toxique.

L’amifampridine ou 3-4 diaminopyridine a été commercialisée sous le nom de Firdapse*, comprimé à 10 mg, avec l’indication traitement symptomatique du syndrome myasthénique de Lambert-Eaton. Voir le RCP de Firdapse*.