Auteur : Pierre Allain

Inhibiteurs de la Na+/K+-ATPase : Glucosides cardiotoniques (Digoxine) – Utilisation thérapeutique


Indications

L’indication essentielle de la digoxine qui est beaucoup plus utilisée que la digitaline, est le traitement de l’insuffisance cardiaque. Il faut toutefois souligner que la digoxine ne constitue pas le seul traitement de l’insuffisance cardiaque, d’autres médicaments, diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion par exemple, sont utilisés plus largement. La digoxine améliore la symptomatologie de l’insuffisance cardiaque et décroît la fréquence des hospitalisations sans retarder la mortalité.

La deuxième indication de la digoxine est le traitement des troubles du rythme supra-ventriculaire, fibrillation et flutter auriculaires ainsi que des tachycardies paroxystiques de type Bouveret.

La posologie initiale, généralement élevée, est suivie d’une posologie plus faible, dite d’entretien. Il est conseillé de recourir à des contrôles de la concentration plasmatique de digoxine et de digitaline pour en établir la posologie.

Digoxine

DIGOXINE NATIVELLE* Cp 0,25mg, Gt, Inj (adulte,enfant)
HEMIGOXINE NATIVELLE* Cp 0,125mg

Effets indésirables

La plupart des effets indésirables de la digoxine et de la digitaline sont dose-dépendants. Il est donc indispensable, lorsqu’un effet indésirable est suspecté, de contrôler leurs concentrations plasmatiques. De plus ses effets indésirables semblent plus marqués (mortalité augmentée) chez la femme que chez l’homme, ce qui n’incite guère à prescrire de la digoxine chez la femme avec insuffisance cardiaque.

Voir Sex-Based Differences in the Effect of Digoxin for the Treatment of Heart Failure.

On observe :

  • des troubles digestifs divers : fréquemment, anorexie, nausées, vomissements, salivation plus rarement, diarrhée, constipation et douleurs abdominales.
  • des troubles neurosensoriels : assez fréquemment, céphalées, insomnie, parfois confusions, dépression, vertiges, troubles de la vision des couleurs, – rarement, micropsie ou macropsie, amblyopie, algies (névralgie du trijumeau), convulsions, paresthésie, délire.
  • des manifestations cardiaques, le plus souvent liées à un surdosage et se traduisant d’abord par une bradycardie, puis par des extrasystoles, une tachycardie ou une fibrillation.
  • des effets indésirables particuliers, comme le développement d’une gynécomastie chez l’homme, qui sont liés à la structure stéroïde des digitaliques pouvant donner des métabolites à effet estrogène.

Le traitement de l’intoxication digitalique comporte tout d’abord l’arrêt du médicament responsable, éventuellement le recours à un médicament susceptible de réduire ses effets : potassium en cas d’hypokaliémie, atropine en cas de bradycardie, lidocaïne, chélateur du calcium, ou enfin le recours à la stimulation électrique.

En cas de surdosage grave, on peut utiliser un anticorps antidigitalique de type Fab, qui neutralise la digoxine libre circulante en se liant à elle. La neutralisation par l’anticorps de la digoxine libre circulante crée un déplacement de la digoxine fixée par les tissus vers le plasma où elle est neutralisée. Cet anticorps, d’origine ovine, coûteux mais efficace, fait partie des médicaments dont la distribution est assurée seulement par les pharmacies hospitalières. Les effets bénéfiques de l’administration d’anticorps antidigitaliques apparaissent rapidement, en moins d’une heure, mais peuvent s’estomper au bout de un à deux jours, laissant réapparaître les signes d’intoxication. Ces rechutes se voient en cas d’administration d’une dose insuffisante d’anticorps par rapport à la gravité de l’intoxication.

Anticorps antidigitalique d’origine ovine

DIGIBIND* injectable, perfusion intraveineuse, (remplace DIGIDOT*)

L’administration d’anticorps antidigitalique peut provoquer des réactions allergiques.

Interactions médicamenteuses

Un certain nombre d’interactions entre les glucosides cardiotoniques et d’autres médicaments ont été décrites :

  • Renforcement de leur efficacité et de leur toxicité par la prise concomitante de calcium.
  • Diminution de leur toxicité par l’administration de potassium. Inversement l’hypokaliémie comme celle que l’on observe avec certains diurétiques, augmente leur toxicité.
  • Risque de torsades de pointes en cas d’association à un neuroleptique comme le sultopride.
  • Augmentation de la concentration de digoxine lors de la prise de quinidine par probablement inhibition de la P-glycoprotéine avec augmentation de l’absorption digestive et lors de la prise d’itraconazole qui ralentit le métabolisme de la digoxine et de la digitaline.
  • Diminution de la concentration de digoxine par accélération de son catabolisme par les inducteurs enzymatiques. Dans le cas d’interaction avec la rifampicine les choses sont un peu plus compliquées : c’est l’induction de la P-glycoprotéine qui réduirait l’absorption digestive.

Remarque :

Parmi les autres médicaments ayant un effet cardiaque inotrope positif mais par un mécanisme d’action différent de celui de la digoxine on peut citer la milrinone (Corotrope*), inhibiteur des phosphodiestérases et des sympathicomimétiques injectables comme la dobutamine et la dopexamine.