Auteur : Pierre Allain

Fer, hémoglobine et paludisme

Le paludisme ou malaria est une maladie parasitaire qui touche environ 300 millions d’individus et provoque la mort d’un à deux millions d’entre eux par an. Elle est due à un protozoaire de type Plasmodium falciparum malariae, vivax ou ovale et est transmise à l’homme par un moustique, anophèle femelle hématophage. Le cycle évolutif du plasmodium comporte une phase sexuée ou sporogonique qui se déroule chez l’anophèle et une phase asexuée ou schizogonique qui se déroule chez l’homme. Cette phase schizogonique comporte elle-même deux stades : un stade pré-érythrocytaire ou hépatique et un stade érythrocytaire.

Lorsque le Plasmodium sous forme de mérozoïte a pénétré à l’intérieur du globule rouge, il baigne dans une mer d’hémoglobine qu’il utilise pour assurer sa propre croissance. Le parasite ingère l’hémoglobine par une structure appelée cytostome et l’introduit dans sa vacuole qui est à pH acide. Par ses hydrolases, dont la plasmepsine II, le parasite décompose l’hémoglobine en globine qui apporte des acides aminés, et en hème qui apporte le fer et qui est transformée en hémozoïne par une hème-polymérase. Lors de la destruction du globule rouge, l’hémozoïne est libérée dans la circulation et captée par des macrophages.

Le mécanisme d’action des antimalariques à effet intra-érythrocytaire comme la chloroquine, la quinine, l’amodiaquine, la méfloquine et l’halofantrine, reste mal élucidé. Ces antimalariques traversent la membrane du globule rouge puis celle du Plasmodium et pénètrent dans la vacuole où ils s’accumulent, leur fonction amine étant ionisée en milieu acide. Des hypothèses parfois contradictoires ont été avancées pour expliquer leur effet toxique sur le Plasmodium : inhibition de l’hème polymérase qui transforme l’hème toxique pour le parasite en hémozoïne atoxique, formation d’un complexe de type chloroquine-hème, élévation du pH intravacuolaire et diminution de la disponibilité de fer à partir de l’hème.

La résistance aux antimalariques serait, au moins partiellement, la conséquence du développement par les parasites de mécanismes d’expulsion des antimalariques hors de leur vacuole. Cet efflux pourrait être supprimé par certains médicaments comme les anticalciques.

Quinine

La quinine, alcaloïde du quinquina, a, outre son action antipaludique, un effet analgésique et antipyrétique, hypotenseur et myorelaxant des muscles striés. Elle stimule également la sécrétion d’insuline.

Sur le plan pharmacocinétique, la quinine, comme son isomère la quinidine qui est aussi active qu’elle contre le paludisme, est bien absorbée après administration orale. Sa demi-vie est d’environ 11 heures. Ses indications sont le paludisme, plus particulièrement les formes résistantes aux autres antipaludiques. Elle a été préconisée sans justification convaincante dans le traitement des crampes nocturnes.

 

Quinine

QUININE Lafran* Cp
QUINIMAX* Cp, Inj (contient aussi quinidine, cinchonine et cinchonidine)

Ses principaux effets indésirables sont des troubles gastro-intestinaux : nausées, vomissements, douleurs abdominales, et des troubles neurologiques : céphalées, vertiges, bourdonnements d’oreille, troubles de la vue.

Chloroquine

La chloroquine a, outre son effet antipaludique, une activité anti-amibiasique, en particulier sur les localisations hépatiques de l’amibe car elle se concentre dans le foie, ainsi qu’une activité antirhumatismale, en particulier dans l’arthrite rhumatismale et le lupus érythémateux. Sur le plan pharmacocinétique, sa demi-vie plasmatique longue, 10 à 30 jours, explique son utilisation en traitement discontinu, par exemple une prise par semaine au lieu d’une administration à posologie moindre tous les jours.

Ses effets indésirables sont des éruptions cutanées, une pigmentation ardoisée de la peau et la possibilité de troubles oculaires, tels que des opacifications cornéennes et des rétinopathies après traitement prolongé.

 

Chloroquine

NIVAQUINE* Cp sécable à 100 mg, Sirop
Nivaquine 300* Cp

Il existe une spécialité pharmaceutique associant la chloroquine et le proguanil qui est un inhibiteur de la dihydrofolate réductase. Cette association est destinée à la prévention du paludisme dans les zones où il exerce une résistance à la chloroquine seule.

 

Chloroquine + Proguanil

SAVARINE* Cp

Amodiaquine

L’amodiaquine est un antimalarique efficace mais qui a donné comme effets indésirables des hépatites graves et des agranulocytoses. Elle n’est commercialisée que dans quelques pays.

 

Amodiaquine

FLAVOQUINE* Cp

Méfloquine, Halofantrine

Le principal avantage de la méfloquine et de l’halofantrine est d’être actifs contre le Plasmodium résistant à la chloroquine, mais actuellement une résistance à leur égard se développe aussi.

 

Méfloquine

LARIAM* Cp

Halofantrine

HALFAN* Cp

La méfloquine est prescrite en traitement préventif et curatif du paludisme. Elle peut donner des troubles digestifs neurosensoriels et psychiatriques. Elle a une très longue demi-vie d’élimination, plusieurs jours.

L’halofantrine est seulement utilisée en traitement curatif; elle est susceptible d’entraîner un allongement de l’espace QT de l’électrocardiogramme et est potentiellement cardiotoxique. La biodisponibilité de l’halofantrine est augmentée lorsqu’elle est prise au cours ou après un repas riche en graisses et son catabolisme est ralenti par les médicaments qui inhibent le cytochrome CYP3A4 comme le kétoconazole.

L’HALFAN n’est pas remboursé par la Sécurité Sociale, le LARIAM* est remboursé dans des conditions particulières et le prix de vente de ces deux médicament est élevé.

Artémisinine

L’artémisinine est un antipaludique qui a été extrait des feuilles de la plante Artemisia annua L. en Chine où elle est appelée qinghaosu.

L’artémisinine elle-même est active mais il existe aussi des dérivés hémisynthétiques obtenus par modifications chimiques: méthylation pour l’arthéméther, éthylation pour l’artééther et fixation d’un sel sodique de l’acide succinique pour l’artésunate.

Ces dérivés sont des schizonticides, actifs sur des souches de Plasmodii résistantes aux autres antipaludiques. Ils exercent leur effet grâce à leur pont peroxyde intramoléculaire qui, en présence de fer, donne des radicaux libres qui détruisent le parasite intraérythrocytaire. Les chélateurs du fer qui pénètrent dans les cellules inhibent l’effet antipaludique de l’artémisinine.

L’arthéméther et l’artééther sont solubles dans l’huile, par exemple l’huile d’arachide, et l’artésunate est plus soluble dans l’eau. La demi-vie de l’arthéméther est d’environ sept heures.

L’arthéméther est disponible dans certains pays sous le nom de PALUTHER*. L’artéméther est présenté en association avec la luméfantrine.

 

L’arthéméther + luméfantrine

RIAMET Cp