Auteur : Pierre Allain

Bisphosphonates

Les bisphosphonates sont des dérivés de synthèse de type P-C-P (liaison phosphore-carbone-phosphore) non présents naturellement dans l’organisme; ce sont des analogues du pyrophosphate, acide pyrophosphorique où l’oxygène est remplacé par un carbone.

Les principaux bisphosphonates utilisés en thérapeutique sont l’étidronate, le clodronate et le pamidronate, l’ibandronate, l’alendronate et le tiludronate. Ils inhibent l’activité des ostéoclastes.

Effets

In vitro, les bisphosphonates s’absorbent sur les cristaux de phosphate de calcium et inhibent leur dissolution.

In vivo, ils inhibent la résorption osseuse spontanée ou induite par la parathormone ou d’autres peptides d’origine tumorale. L’inhibition de la résorption osseuse tend à diminuer la calcémie et la calciurie. Cet effet est particulièrement net en cas d’hypercalcémie.

Le mécanisme de cette inhibition est complexe et mal élucidé. Contrairement à celui de la calcitonine, leur effet n’apparaît qu’au bout de 48 h. Les bisphosphonates s’absorbent sur l’hydroxyapatite, inhibent l’activité des ostéoclastes, en général sans réduire leur nombre, et inhibent la production d’acide lactique, l’activité de la pyrophosphatase et celle de diverses enzymes lysosomales.

On pense que les bisphosphonates comme le clodronate et l’étidronate agiraient en formant des analogues non hydrolysables de l’ATP alors que d’autres comme l’alendronate et le risédronate agiraient en inhibant le métabolisme du mévalonate ce qui conduit à une diminution de la synthèse de farnésyldiphosphate et de géranylgéranyldiphosphate, nécessaires à la prénylation post-traductionnelle de certaines protéines (Voir « Hypolipémiants ».).

La possibilité que les bisphosphonates puissent avoir un effet antitumoral est actuellement discutée.

Pharmacocinétique

Les bisphosphonates sont des acides qui dans le milieu intestinal alcalin sont dissociés et sont peu absorbés : leur biodisponibilité orale est de l’ordre de 1 à 5%. Elle est réduite en cas de prise simultanée de calcium qui forme avec les bisphosphonates des complexes insolubles.

La demi-vie plasmatique des bisphosphonates est courte, de l’ordre de une à quelques heures, car une grande partie est rapidement captée par le squelette et le reste éliminé par le rein. La demi-vie osseuse, par contre, est très longue, environ un an.

La liaison -P-C-P- des bisphosphonates n’est pas hydrolysée dans l’organisme, contrairement à la liaison -P-O-P-du pyrophosphate. Les bisphosphonates comportant une fonction amine sont appelés aminophosphonates.

Ils s’éliminent par le rein et leur posologie doit être réduite en cas d’insuffisance rénale.

Utilisation

Les bisphosphonates sont utilisés pour traiter les maladies dans lesquelles il existe une résorption osseuse excessive conduisant d’une part à des hypercalcémies et d’autre part à des atteintes osseuses à l’origine de douleurs et de fractures. On peut diviser les bisphosphonates en deux groupes, ceux qui sont utilisés dans les hypercalcémies malignes et les ostéolyses tumorales et ceux qui sont utilisés dans l’ostéoporose, le même pouvant éventuellement avoir les deux indications.

  1. Hypercalcémies malignes
    Les hypercalcémies malignes proviennent d’une ostéolyse excessive et d’une insuffisance de l’excrétion rénale de l’excès de calcium. Les bisphosphonates n’agissent que sur la composante osseuse en inhibant son catabolisme.

    L’hypercalcémie constitue en effet une complication métabolique très fréquente des affections malignes : elle affecte jusqu’à 30% des cancéreux (cancer du poumon, cancer du sein, atteintes hématologiques). Il s’agit d’une affection non seulement fréquente mais également grave, entraînant diverses manifestations telles que nausées, vomissements, polyurie, état confusionnel, dépression voire coma.

  2. Ostéolyses
    • d’origine tumorale soit focalisée (cancer primitif de l’os ou métastases), soit généralisée, diffuse, due à la libération de facteurs activant les ostéoclastes comme certains peptides apparentés à la parathormone
    • de la maladie de Paget

      Etidronate

      DIDRONEL* Cp 200

      Clodronate

      CLASTOBAN* Gélules 400 mg, Inj
      LYTOS* Cp 520 mg

      Tiludronate

      SKELID* Cp 200 mg

      Pamidronate

      ARÉDIA* Inj 15, 60 et 90 mg

      Ibandronate

      BONDRONAT* Inj 2 mg

      Zolédronate ZOMETA*, Inj 4 mg
      ACLASTA* Inj
      Risédronate ACTONEL*, Cp 30 mg

      .

    Les formes injectables donnent fréquemment mais surtout en début de traitement, un syndrome pseudo-grippal avec fièvre à 38° ou 39°C , voire plus. Ce syndrome dure de 24 à 48 heures et serait la conséquence d’une libération d’IL1 et IL6 par les macrophages.

  3. Ostéoporose

    Dans l’ostéoporose post-ménopausique et l’ostéoporose cortisonique certains bisphosphonates ont, en association avec le calcium, un effet bénéfique. Ils augmentent la densité minérale osseuse et surtout diminuent le risque fracturaire. Les bisphosphonates ayant une activité reconnue dans cette indication sont l’étidronate qui s’administre en cures discontinues et l’alendronate et le risédronate qui s’administrent d’une manière continue mais qui peut être espacée, par exemple une prise par semaine. Au cours des études cliniques l’alendronate et le risédronate ont augmenté la densité osseuse et réduit la fréquence des fractures sans entraîner d’effets indésirables notables. Pour ne pas réduire leur biodisponibilité qui est déjà faible, les bisphosphonates doivent être pris en dehors des repas soit à jeun une demi-heure avant le petit déjeuner soit au cours de la journée deux heures avant ou après un repas. On trouve dans la notice et le RCP de chacun de ces médicaments des conseils à ce sujet. L’alendronate doit être pris avec un verre d’eau peu minéralisée, le calcium et le magnésium réduisant sa biodisponibilité, en position assise ou debout, pour éviter des troubles oesophagiens qui sont assez fréquents.

    Etidronate

    DIDRONEL* Cp 400 mg – 1 par jour pendant 14 jours puis arrêt 2 mois

    Alendronate

    FOSAMAX* Cp 5 et 10

    Risédronate ACTONEL* Cp 5

    Ibandronate

    BONVIVA*, comprimé pelliculé à 150 mg, 1 par mois

    Zolédronate ACLASTA* Inj, 1 perfusion par an

Il existe par ailleurs plusieurs spécialités associant sous un même conditionnement un biphosphonate à la vitamine D et même au calcium. Ces spécialités (FOSAVANCE*, ADROVANCE*, ACTONEL COMBI*) offrent peu d’avantages par rapport au conditionnement séparé du biphosphonate et du calcium associé à la vitamine D.

Les bisphosphonates dans leur ensemble peuvent donner divers troubles digestifs (nausées, diarrhée, etc) et, à posologie élevée, des hypocalcémies. Des cas d’ostéonécrose de la machoire ont été observés chez des malades traités par les biphosphonates et on recommande d’effectuer les soins dentaires avant la mise en route du traitement par biphosphonates.