Le bismuth est un élément lourd, de masse 209. Le rayon ionique de Bi3+ est 1,2 Angström, mais Bi3+ n’existe qu’en milieu très acide. En absence de traitement, il y a très peu de bismuth dans l’organisme: sa concentration plasmatique est inférieure à 1 microgramme par litre. Le bismuth n’a pas de rôle physiologique connu.
En France, le bismuth sous différentes formes a été largement utilisé en dans le traitement de l’ulcère gastro-duodénal et dans diverses indications digestives : diarrhée, constipation, colites. Entre 1964 et 1974, la consommation de bismuth en thérapeutique a été multipliée par quatre pour atteindre 800 tonnes par an. Le bismuth était utilisé à posologie élevée, sans période d’interruption, sans aucune limitation de durée. Pourtant les précautions d’emploi clairement précisées avant 1910 demandaient que le bismuth soit prescrit en cures discontinues.
Vers 1974 ont été décelées des encéphalopathies indiscutablement liées à la prise de bismuth. Ces encéphalopathies comportaient en général une phase prodromique et une phase aiguë. On observait :
- dans la phase prodromique, des troubles peu spécifiques, asthénie, perte de mémoire, insomnie, céphalées
- dans la phase aiguë, des troubles neurologiques, dysarthrie, ataxie, troubles de la marche, myoclonies, tremblements, désorientation, agitation, troubles de la mémoire, état confusionnel, hallucinations, convulsions
- à l’arrêt du bismuth, en quelques jours une amélioration du tableau clinique, mais il persistait pendant quelques mois une asthénie, des troubles de mémoire et du sommeil, des céphalées.
La fréquence et la gravité de ces intoxications, environ 1 000 cas, ont conduit le Ministère de la Santé à le retirer du commerce.
A l’étranger, le bismuth est utilisé en thérapeutique sous forme de sous-citrate de bismuth-colloïdal. Il a une indication unique, le traitement de l’ulcère gastroduodénal. Son efficacité dans cette indication semble résulter de l’éradication du germe Hélicobacter pylori qui joue un rôle déterminant dans la genèse de l’ulcère.
Au cours des traitements par le sous-citrate de bismuth, même à posologie faible, la concentration plasmatique de bismuth, normalement inférieure à 1 microgramme par litre s’élève à à environ 10 microgrammes par litre et on trouve du bismuth dans l’urine. Ceci montre que, comme les autres préparations à base de bismuth, il est lui-aussi partiellement absorbé par le tube digestif.
Le sous-citrate de bismuth n’est probablement pas très différent des autres préparations à base de bismuth mais il n’a pas les mêmes effets indésirables pour trois raisons :
- Il n’a qu’une seule indication, l’ulcère gastro-duodénal et le bismuth utilisé dans cette indication n’a guère entraîné d’encéphalopathies en France.
- La quantité de bismuth qu’il apporte quotidiennement est incomparablement plus faible que celle qui était prescrite en France avant 1974.
- Sa prescription comporte des interruptions: prise pendant un mois suivie d’un arrêt de deux mois.
La physiopathologie de l’intoxication bismuthique n’a pas encore été élucidée. Les diverses hypothèses explicatives proposées jusqu’à présent ne sont guère convaincantes. Pourtant la mise en évidence du ou des mécanismes responsables de la toxicité du bismuth permettrait peut-être d’autoriser à nouveau son utilisation en France selon des modalités bien déterminées et dans des indications précises, en particulier pour son effet bactéricide vis-à-vis de Helicobacter pylori.
Le bismuth est disponible dans certains pays sous forme de citrate (DENOL*) et de complexe citrate de bismuth- ranitidine.