Faut-il abandonner le dépistage systématique du cancer du sein par mammographie ?

Un article publié dans le NEJM du 22 novembre 2012 fait le bilan de 30 années de dépistage systématique (screening) du cancer du sein par mammographie chez des femmes de plus de 40 ans aux USA.

Le screening par mammographie a doublé la fréquence de détection des cancers du sein au stade précoce, passant de 112 à 234 cas pour 100 000 femmes soit une augmentation de 122 cas pour 100 000 femmes, et parallèlement la fréquence de détection de cancers à un stade avancé a diminué de 8 % passant de 102 à 94 cas pour 100 000 femmes, soit 8 cas pour 100 000 femmes. Les auteurs en concluent que seulement 8 cas sur 122 auraient progressé vers un stade avancé et que le reste, 114 cas, correspond à un sur-diagnostic, en anglais overdiagnosis (tumeurs détectées mais qui n’auraient pas eu de conséquences cliniques, n’auraient pas évolué vers un stade avancé). Ils estiment  qu’en 30 ans aux États-Unis 1,3 million de femmes ont eu un sur-diagnostic. Le diagnostic de cancer du sein, même à un stade précoce, a des conséquences thérapeutiques lourdes, chirurgie, radiothérapie, thérapie hormonale et ou chimiothérapie.

Les auteurs indiquent de plus que la fréquence de cancer métastatique du sein  n’a pas été réduite par les mammographies de dépistage et que si la mortalité par cancer du sein a été réduite de 28 % (71 à 51 cas pour 100 000 femmes) sur 30 ans, ceci est dû essentiellement à une meilleure efficacité du traitement.

Par ailleurs, une revue de la littérature publiée dans le Lancet du 17 novembre 2012 tente de faire la part des bienfaits et méfaits du dépistage systématique du cancer du sein. Cette revue de la littérature ne prend pas en compte l’article du NEJM analysé, trop récent pour cela. Elle apporte beaucoup de données intéressantes qu’il est difficile de résumer en quelques lignes. Je me borne à donner la conclusion de l’article : pour 10 000 femmes de 50 ans à qui on a proposé un screening de cancer du sein pendant 20 ans, 43 décès par cancer du sein sont évités et 129 cas de cancer sont sur-diagnostiqués soit pour 1 décès par cancer du sein évité, 3 cas sur-diagnostiqués et traités inutilement.

Ces résultats ne permettent pas de dire à une femme donnée si elle doit ou non faire un dépistage systématique du cancer du sein mais doivent conduire à s’interroger sur la validité des grandes campagnes de dépistage.

Ces constatations nous renvoient au dosage systématique du PSA pour la détection du cancer de la prostate.

Concernant les campagnes de dépistage du cancer ou des campagnes de prévention en général, voir ces articles du NEJM, du BMJ et ce commentaire. Ces campagnes intensives, bien que parfois peu fondées, créent chez ceux ou celles qui ne s’y soumettent pas un sentiment de malaise et de culpabilité et si un cancer se déclare ultérieurement il sera facile de leur reprocher leur désobéissance.

Faut-il aussi s’interroger sur l’innocuité de certaines biopsies allant farfouiller dans des tissus possiblement cancéreux?

A votre réflexion !

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