Auteur : Pierre Allain

Hormones thyroïdiennes T4 et T3

Les hormones thyroïdiennes, triiodothyronine (T3) et thyroxine (T4), contiennent respectivement trois et quatre atomes d’iode par molécule. Ces atomes d’iode sont fixés sur la thyronine qui résulte de la condensation de deux molécules de tyrosine.

 

Biosynthèse des hormones thyroïdiennes

Métabolisme

L’iode est indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes. Il est apporté par l’alimentation sous forme d’iodure, I ou d’iodate IO3 qui sont absorbés par le tube digestif. On trouve dans le plasma des concentrations de 2 à 4 microgrammes d’iode minéral par litre. Mais la concentration totale d’iode dans le plasma, représentée pour l’essentiel par l’iode des hormones thyroïdiennes, surtout la thyroxine, est de 40 à 80 microgrammes par litre.

Un apport d’iode en quantité suffisante dans l’alimentation est nécessaire pour éviter les hypothyroïdies chez l’adulte et surtout chez l’enfant. Pour un adulte, un apport quotidien de 100 à 150 microgrammes est conseillé.

Lorsque l’élimination urinaire d’iode est inférieure à 50 microgrammes par gramme de créatinine, il y a risque de déficience et lorsqu’elle est inférieure à 25 microgrammes la déficience peut être considérée comme certaine.

Synthèse des hormones thyroïdiennes

La synthèse des hormones thyroïdiennes comporte plusieurs étapes : iodation des résidus tyrosyl de la thyroglobuline qui est une protéine glycosylée de 670 Kda, couplage de ces résidus pour former les hormones et libération des hormones par hydrolyse de la thyroglobuline :

  1. Captation de l’iode
    L’iode sous forme d’iodure est capté préférentiellement par la thyroïde. Sa captation par la cellule thyroïdienne ou thyrocyte est liée au cotransport de sodium pour la traversée de la membrane basale et à l’existence de deux types de canaux anioniques pour le passage dans la colloïde. La captation d’iodure qui entraîne une clearance plasmatique d’environ 15 ml/mn est stimulée par la TSH et inhibée par des anions comme le thiocyanate, SCN et le perchlorate, ClO4.
    L’iodure est parallèlement éliminé par le rein. Sa clearance plasmatique totale résultant de sa fixation thyroïdienne et de son élimination rénale est d’environ 45 à 60 ml/mn, ce qui correspond à une demi-vie d’environ 5 heures. Ces résultats ont été obtenus avec un apport physiologique d’iodure.
  2. Fixation de l’iode sur les groupes tyrosyl de la thyroglobuline
    L’iodure, qui arrive dans la colloïde, partie centrale du follicule thyroïdien est activé par la peroxydase thyroïdienne ou thyroperoxydase, enzyme à sélénium, en I° ou I+ qui se fixe sur les noyaux tyrosine de la thyroglobuline pour former des résidus de monoiodotyrosine (MIT) et de diiodotyrosine (DIT).
  3. Couplage
    Un résidu de monoiodotyrosine et un résidu de diiodotyrosine se combinent pour former la triiodothyronine, T3, et deux résidus de diiodotyrosine pour former la tétraiodothyronine ou thyroxine, T4. T3 et T4 sont fixées à la thyroglobuline. En cas de déficience en iode il y a augmentation relative de la synthèse de T3 par rapport à T4.
  4. Stockage
    L’ensemble thyroglobuline avec ses molécules T3, T4, MIT et DIT, est stocké dans la colloïde.
  5. Libération
    Après son passage par microendocytose de la colloïde dans la cellule épithéliale, la thyroglobuline est hydrolysée par des enzymes protéolytiques libérant ainsi les hormones thyroïdiennes T3 et T4 qui sont ensuite sécrétées dans le plasma. La DIT et la MIT, ainsi libérées par hydrolyse de la thyroglobuline sont en grande partie désiodées dans la cellule épithéliale et l’iodure récupéré pour une nouvelle synthèse hormonale. Une partie de la T3 libérée par les thyrocytes provient de la transformation de T4 en T3 sous l’influence de la 5′-désiodase.
    Ces étapes, notamment la libération, sont activées par la TSH dont la sécrétion est freinée par les hormones thyroïdiennes.
     

Distribution

  • Hormones circulantes
    Dans le plasma, les hormones thyroïdiennes T4 et T3 se fixent sur des protéines, en particulier la TBG (thyroxine binding globulin) et la TBPA (thyroxine binding prealbumin). La concentration plasmatique de TBG est augmentée par les estrogènes et diminuée par les androgènes. La concentration normale de T4 est de 70 à 150 nmol / L et celle de FT4 (thyroxine libre) est comprise entre 10 et 22 picomol / L. La concentration normale de FT3 (T3 libre) est comprise entre 3 et 6 picomol/L. La demi-vie de T3 est d’environ 1 jour, celle de T4 environ 7 jours.
  • Captation tissulaire et transformation de T4 en T3
    La T4 et la T3 sous forme libre sont captées par les tissus par des mécanismes mal connus. Dans les tissus, notamment le foie, la T4 peut être transformée en T3 qui est la véritable molécule active, ou transformée en rT3 (reverse triiodothyronine dépourvue d’activité thyromimétique). La transformation de T4 en T3 est assurée par une enzyme l’iodothyronine 5′-désiodase dont on distingue deux types : le type I présent dans la thyroïde, le foie, le rein et le type II présent notamment dans le cerveau. La 5′-désiodase de type I est une enzyme à sélénium, cet élément étant incorporé dans une sélénocystéine. Cette enzyme est inhibée par le propylthiouracile, le propranolol et l’acide iopanoïque, agent de contraste non commercialisé en France.
    En principe, les hormones thyroïdiennes ne traversent pas la barrière placentaire.

Catabolisme

La T3 est transformée par désiodation en diiodo-thyronine inactive.

La T3 et la T4 sont de plus inactivées par glucuronoconjugaison et sulfatation.

La T3 et la T4 sont également métabolisées en TRIAC (triodo-acetic-acid) et TETRAC (tetraiodo-acetic-acid) qui conservent une activité thyromimétique.

Régulation

Dans les conditions physiologiques, la sécrétion des hormones thyroïdiennes est régulée par la TRH et la TSH. En cas de maladie de Basedow la sécrétion de TRH et de TSH est réduite mais il existe une stimulation par des anticorps anormaux.

Effets

Les hormones thyroïdiennes agissent au niveau du noyau, des mitochondries et peut-être de la membrane plasmique en activant des récepteurs TR alpha, TR bêta nucléaires et l’intégrine alpha V bêta 3..

  • Action nucléaire : elles pénètrent dans le cytoplasme des cellules cibles et ensuite à l’intérieur du noyau où elles agissent au niveau du DNA pour stimuler ou inhiber la synthèse d’ARN messager. L’ARN messager est à l’origine de la synthèse d’enzymes, par exemple la Na+/K+-ATPase, la carbamyl-phosphate-synthase, ainsi que de protéines intervenant dans le transport des acides aminés et des glucides.
  • Action mitochondriale : elles favorisent le découplage des phosphorylations oxydatives qui conduisent à une augmentation de la consommation d’oxygène sans synthèse correspondante d’ATP.
  • Elles ont aussi des effets encore mal cernés sur la membrane cellulaire.

Les effets des hormones thyroïdiennes sont très complexes et sont surtout connus par les conséquences de leur déficience. Elles agissent à plusieurs niveaux :

  • Croissance staturopondérale :
    Une déficience avant la naissance donne un défaut d’ossification mais l’enfant naît avec une taille normale. Une déficience après la naissance entraîne un défaut de développement staturopondéral.
  • Maturation du système nerveux central :
    Le rôle des hormones thyroïdiennes est particulièrement important chez l’enfant avant la naissance et dans les 45 premiers jours suivants, car leur déficience est à l’origine du crétinisme. La gravité de cette déficience s’explique par l’absence de synthèse de myéline, d’où l’importance du diagnostic précoce pour la mise en route du traitement substitutif nécessaire pour éviter une déficience mentale grave et définitive.
    Une hypothyroïdie apparaissant après l’âge de deux ans a moins de conséquences sur le développement mental et les manifestations d’hypothyroïdisme sont réversibles par le traitement substitutif.
  • Métabolisme basal et thermogenèse :
    Les hormones thyroïdiennes augmentent le métabolisme basal et la consommation d’oxygène au niveau du coeur, des muscles squelettiques, du foie, des reins, mais pas au niveau du cerveau. Ces effets ont été attribués, au moins partiellement, à un découplage des phosphorylations oxydatives.
  • Coeur :
    Elles augmentent le débit et surtout le rythme cardiaques.
  • Muscle strié :
    L’hyperthyroïdie entraîne une fonte musculaire et l’hypothyroïdie un ralentissement de la contraction.
  • Tissu adipeux :
    Elles augmentent la sensibilité des cellules adipeuses à l’effet lipolytique de diverses hormones, en particulier les catécholamines. Le cholestérol plasmatique est augmenté chez les hypothyroïdiens.

Utilisation

Indications

Les hormones thyroïdiennes, le plus souvent la lévothyroxine, sont indiquées à titre substitutif dans le traitement de l’hypothyroïdie de l’adulte ou de l’enfant.

Chez l’enfant, l’hypothyroïdie congénitale doit impérativement être traitée le plus tôt possible et avant le trentième jour de la vie pour préserver le développement intellectuel.

Chez l’adulte, il s’agit du traitement du myxdème ou du coma myxdémateux. En cas d’hypothyroïdie, la femme enceinte doit également être traitée.

Les hormones thyroïdiennes sont utilisées pour inhiber la sécrétion de TSH et mettre au repos la thyroïde en cas de nodules thyroïdiens ou de cancer de la thyroïde.

Elles peuvent également être utilisées en association avec les antithyroïdiens de synthèse dans la maladie de Basedow, pour freiner la sécrétion de TSH.

 

Lévothyroxine L-T4

LÉVOTHYROX* Cp 25, 50, 75, 100, 150 microgrammes

Liothyronine L-T3

CYNOMEL* Cp 25 microgrammes

Lévothyroxine L-T4 +Liothyronine L-T3

EUTHYRAL* Cp 100 microgrammes

Le tiratricol est un métabolite de la T3 qui inhiberait davantage la sécrétion de TSH que ne le font la T3 et la T4. Le tiratricol a une activité hormonale faible mais qui existe néanmoins et dont il faut tenir compte.

 

Tiratricol

TRIACANA* Cp à 0,35 mg, crème
TÉATROIS* Cp à 0,35 mg

Des thyromimétiques abaissant le cholestérol sanguin en activant spécifiquement les récepteurs TR bêta présents notamment dans le foie sont en cours d’études.

Effets indésirables

La prescription d’hormones thyroïdiennes peut aggraver des cardiopathies ischémiques latentes et faire apparaître des troubles du rythme cardiaque.

Bien que les hormones thyroïdiennes et le tiratricol entraînent une perte de poids, ils ne doivent pas être utilisés dans le traitement des obésités non liées à une insuffisance thyroïdienne, car ils risquent de perturber l’homéostasie hormonale.

Remarque

La mesure de la TSH plasmatique est le principal critère biologique pour apprécier l’activité thyroïdienne. Les valeurs de TSH considérées comme normales sont étendues et peuvent ne pas faire ressortir des états d’hyperthyroïdie et hypothyroïdies frustes.