Auteur : Pierre Allain

Antifongiques agissant sur la membrane des champignons

Polyènes, amphotéricine B

Les polyènes sont des macrolides comportant un cycle lactone et une chaîne carbonée avec des doubles liaisons conjuguées.

Les deux principales substances de ce groupe sont l’amphotéricine B et la nystatine.

L’amphotéricine B interagit avec l’ergostérol présent dans la membrane des levures et des champignons sensibles pour former des pores, canaux perméables aux cations comme le potassium qui sort du cytoplasme.

L’amphotéricine B agit sur tous les microorganismes dont la membrane est riche en ergostérol, comme Candida, Streptococcus neoformans, Blastomyces, Histoplasma capsulatum et Aspergillus.

Administrée par voie buccale, son absorption est très faible et elle est surtout utilisée dans le traitement des candidoses digestives.

Son administration intraveineuse est réservée au traitement des mycoses profondes à germes sensibles. Il existe trois préparations d’amphotéricine B injectable, l’une ancienne avec du déoxycholate, les deux autres récentes, l’une avec un complexe lipidique et appelée ABLC (amphotericin B lipid complex), l’autre avec des liposomes. Ces dernières semblent moins toxiques que la première et ont un plus grand volume de distribution

Les effets indésirables de l’amphotéricine B s’observent essentiellement après administration par voie parentérale et résultent de l’atteinte des lysosomes. Ils peuvent se traduire par une atteinte du tubule rénal avec acidose et perte urinaire de potassium et de magnésium, et par une hémolyse par atteinte de la paroi des hématies.

 

Amphotéricine B

FUNGIZONE* Gélules, Sol buv, Lotion, Inj
ABELCET* Inj
AMBISOME* Inj

 

La nystatine est une substance dont la structure ressemble à celle de l’amphotéricine B mais elle est moins efficace qu’elle. Elle est utilisée dans les mêmes indications que l’amphotéricine mais seulement sous forme non injectable.

 

Nystatine

MYCOSTATINE* cp, Sol buv, Cp vaginal

Inhibiteurs de la synthèse d’ergostérol

L’ergostérol, dont la synthèse est rappelée ci-dessous, est un constituant essentiel de la membrane de certains germes, notamment des champignons.

Les inhibiteurs agissent soit au niveau de la transformation du squalène en squalène époxide sous l’influence de la squalène époxydase, soit au niveau de la transformation du lanostérol en 14-déméthyl lanostérol sous l’influence de la C14 déméthylase, soit, en aval, au niveau d’une D14-réductase et d’une D7-D8-isomérase. En réalité la synthèse de l’ergostérol comporte de très nombreuses étapes et chacune d’elle pourrait être inhibée.

L’inhibition d’une enzyme conduit à une déficience en ergostérol et à une accumulation de ses précurseurs en amont de l’inhibition, deux effets qui entraînent une altération de la membrane.

Inhibiteurs de la synthèse de l’ergostérol

Inhibiteurs de la squalène époxidase, terbinafine

Les inhibiteurs de la squalène époxidase utilisés sont la terbinafine et la naftifine, classées parmi les antifongiques du groupe allylamine.

Étant donné son point d’impact, la terbinafine pourrait inhiber la synthèse de cholestérol chez les mammifères et interférer avec le métabolisme des hormones stéroïdes. En réalité, elle ne le fait pas, car, en raison de sa spécificité d’action, elle inhibe environ 200 fois plus la squalène époxidase des champignons (dermatophytes, levures) que celle des mammifères. A l’inverse, des inhibiteurs spécifiques de la squalène époxidase humaine pourraient être utilisés comme hypocholestérolémiants. Ils ne diminueraient pas la synthèse d’ubiquinone comme le font les inhibiteurs de la HMG CoA réductase.

La terbinafine est utilisée par voie orale pour traiter les dermatophytoses et les candidoses cutanées qui n’ont pas cédé aux traitements locaux. Elle existe aussi en présentation crème.

 

Terbinafine

LAMISIL* Cp, Crème

La terbinafine peut être à l’origine d’effets indésirables sévères, neutropénies, agranulocytoses, hépatites mixes à prédominance cholestatique, ainsi que d’une altération du goût.

La naftifine a été utilisée comme topique en dermatologie.

Inhibiteurs de la 14-déméthylase, antifongiques azolés

Les inhibiteurs de la 14-déméthylase qui dérivent de l’imidazole ou du triazole sont classés comme antifongiques azolés. Leurs propriétés antifongiques résultent de l’inhibition de la stérol 14-déméthylase, enzyme dépendante du cytochrome P-450, qui permet la synthèse d’ergostérol nécessaire au maintien de la structure de la membrane cytoplasmique de certains germes, en particulier des champignons. Ils provoquent, de plus, une accumulation de 14-méthyl-stérols qui altèrent la membrane.

On peut distinguer, parmi ces antifongiques azolés, ceux qui sont utilisés par voie générale et éventuellement locale, et ceux qui ne sont utilisés qu’en traitement local.

Les antifongiques à effet systémique sont le kétoconazole, dérivé de l’imidazole, et le fluconazole, l’itraconazole, le voriconazole, et le posaconazole, dérivés triazolés. Ils sont indiqués dans le traitement des infections à Candida, Aspergillus, Blastomyces, Histoplasma, Coccidioides, Trichophyton, Cryptococus neoformans, notamment. Chaque produit peut avoir une indication particulière, par exemple les fusarioses pour le posaconazole.

Beaucoup d’effets indésirables des dérivés azolés administrés par voie générale sont liés à des modifications du métabolisme des stéroïdes et de certains médicaments. Les interactions médicamenteuses d’ordre pharmacocinétique sont tellement nombreuses qu’il est nécessaire de consulter le RCP de chaque principe actif avant de le prescrire. Il est parallèlement nécessaire de faire la liste de tous les médicaments pris par le malade à qui on envisage de prescrire un azolé par voie générale. Ils présentent par ailleurs un potentiel tératogène et sont contre-indiqués chez la femme enceinte.

 

Kétoconazole

NIZORAL Cp, Sol buv

Fluconazole

TRIFLUCAN* Gélules, Inj

Itraconazole

SPORANOX* Gélules, Solution buvable

Voriconazole

Vfend* Cp , Suspension orale, Inj

Posaconazole NOXAFIL*, Suspension buvable

Plusieurs antifongiques imidazolés sont utilisés localement sous forme de gel buccal, préparations dermatologiques ou d’ovules gynécologiques.

Kétoconazole KETODERM* Crème, Gel

Miconazole

DAKTARIN*, Gel buccal, Poudre
GYNO DAKTARIN* Ovules

 

Bifonazole

AMYCOR*, Crème, Poudre, Solution

Econazole

PÉVARYL*, Gel, Poudre, Solution, Lotion
GYNO-PEVARYL*, Ovule

Omoconazole

FONGAMIL*, Crème, Poudre, Solution
FONGAREX* Ovule

Sulconazole

MYK*, Crème, Poudre, Solution

Isoconazole

FAZOL*, Crème, Emulsion, Poudre, Ovule

Fenticonazole

LOMEXIN*, Crème, Capsule vaginale

Sertaconazole

MONAZOL*, Ovule

Oxiconazole FONX*, Crème, Poudre, Solution
Tioconazole

TROSYD*, Crème
GYNO-TROSYD*, Ovule

Inhibiteur des dernières étapes de la synthèse d’ergostérol

L’amorolfine est un dérivé de la morpholine, donc chimiquement différent des dérivés imidazolés et triazolés, qui inhibe deux enzymes intervenant dans la transformation du zymostérol en ergostérol. Elle s’oppose ainsi à la biosynthèse d’ergostérol et au développement de divers champignons comme les dermatophytes (trichophyton), les levures (Candida albicans), et diverses moisissures.

 

Amorolfine

LOCÉRYL* Prép dermatologique

Remarques :

  1. Le clotrimazole altère la membrane fongique, mais, bien que chimiquement proche des autres antifongiques imidazolés, il agirait sans inhiber la synthèse des stérols. Expérimentalement, il inhibe l’ouverture des canaux potassiques calcium-dépendants des hématies qu’il protège de l’hémolyse. Il inhiberait aussi la croissance des cellules normales et tumorales. Il dispose d’une AMM sous le nom de Canesten* et est disponible dans divers pays comme antifongique, sous forme notamment de préparations vaginales.
  2. Le triclabendazole est un médicament utilisé initialement en médecine vétérinaire comme antihelminthique est maintenant en médecine humaine avec l’indication traitement de la fasciolase ou distomatose hépatique due à Fasciola hepatica ou à Fasciola gigantica (douves du foie).Le mécanisme d’action du triclabendazole est mal connu : on sait cependant qu’il s’accumule, ainsi que son principal métabolite sulfoxyde dans les téguments du parasite. Le triclabendazole s’administre par voie buccale. Une partie des effets indésirables observés au cours du traitement sont dus à l’élimination du parasite
     

    Triclabendazole

    EGATEN*, Comprimés à 250 mg

    Les autres médicaments utilisés dans le traitement de la fasciolase sont le bithionol et le praziquantel ou Biltricide*.