Auteur : Pierre Allain

Arsenic, As

L’arsenic, comme l’azote, le phosphore, l’antimoine et le bismuth, appartient au sous groupe VA de la classification périodique des éléments. Son numéro atomique est 33, sa struture électronique (As)3d10 4s2 4p2. L’arsenic existe sous la forme d’un seul isotope stable, de masse 75. Voir Généralités Métaux.

L’arsenic est, en raison de ses différents degrés d’oxydo-réduction, valence -3 par gain d’électrons, valence +3 et valence +5 par perte d’électrons et valence 0 . Il existe sous de multiples formes qui ont chacune diverses dénominations tant en français qu’en anglais. .  

  • Valence 0 : l ‘arsenic métallique existe sous forme de poudre  
  • Valence -3  : l’arsine ASH3, gaz d’odeur alliacée, très toxique  
  • Valence +3
    • Acide arsenieux As (0H)3
    • Arsénite  As033-, arsénite de sodium, AsO2NA+, exemple liqueur de Fowler , KAs02 , a été utilisée en médecine humaine et l’est parfois encore en médecine vétérinaire.
    • Trioxyde d’arsenic  As203 (anydride arsénieux) dont l’aspect rappelle celui du sucre et de la farine, il est utilisé en verrerie et comme insecticide, dans l’eau il se transforme en acide arsénieux. Le trioxyde d’arsenic est utilisé dans le traitement de certaines leucémies.
    • Dérivés halogénés  As (Cl)3 trichlorure d’arsenic qui est liquide huileux, fumant très toxique
    • Dérivés organo (carbone) métalliques
      • As (CH3)3, triméthyl arsenic , As ( phényl )3, triphényl ars e nic
      • (CH3) As (0H)2 acide méthyl arsénieux
      • (CH3)2 As (0H) acide diméthyl arsénieux
      • Cl – CH = CH – As – (Cl)2, Lewisite, dérivé halogéné, huileux, vésicant, très toxique
  • Valence +5
    • Acide arsénique As0 (0H)3 idem P0 (0H)3
    • Arsénate As 043-, As04HNa2
    • Arsenic pentoxique As205 anhydride
    • Dérivés halogénés As (Cl)5 pentachlorure d’arsenic 
         As (F)5 pentafluorure d’arsenic
    • Dérivés organo métalliques
      • oxyde de triméthyl arsonique , As – (0) (CH3)3
      • acide mono méthyl arsoniqu e, (CH3) As0 (0H) , MMA
      • acide diméthyl arsenique (arsinic) , (CH3)2 As0 (0H) ou acide cacodylique, DMA
  • Valence  +4
    • arsénobétaine    

Présence 

L’arsenic existe dans la nature, essentiellement sous forme de sulfure dans les minerais. 

L’arsenic est présent dans les pesticides sous forme d’arsenate de plomb par exemple, dans des vermicides utilisés en thérapeutique vétérinaire, dans les conservateurs du bois et il est utilisé en verrerie.  

Dans l’environement, il y a relativement peu d’arsenic, les concentrations les plus élevées sont trouvées dans les poissons et en particulier les coquillages. L’arsenic présent dans le tabac vient des insecticides.  

En milieu industriel ou en laboratoire, il peut y avoir formation d’ arsine ASH3, qui est un gaz toxique inflammable à odeur aliacée.

Métabolisme, toxicocinétique

Absorption

Par inhalation : L’arsenic, présent dans les poussières surtout sous forme de AS203, se dépose au niveau du nez et du pharynx et des bronches qu’il peut léser.

L’arsine, ASH 3 gaz extrèmement réactif, est absorbé au niveau des bronches.  

Par voie orale : Les formes d’arsenic trivalent et pentavalent solubles en milieu aqueux sont absorbées par le tube digestif. Les mécanismes de cette absorption ne sont pas bien précisés mais il est très probable que l’arsenic pentavalent, sous forme d’arsénate, utilise les mêmes transporteurs que le phosphate. 

Beaucoup de dérivés organométalliques de l’arsenic sont absorbés par voie digestive mais on a peu de renseignements sur les mécanismes qui en sont responsables.  

Distribution

Les concentrations normales d’arsenic dans le sang et le plasma sont inférieures à 10µg/L. La distribution d’arsenic dans les tissus dépend de son état d’oxydo-réduction. 

L’arsénite, trivalent, ayant beaucoup d’affinité pour les groupes SH se trouve en grande concentration dans les tissus riches en soufre comme les cheveux, les poils, les ongles.  

L’arsénate, pentavalent, par contre qui a beaucoup de similitudes avec l’anion phosphate se fixe dans l’os, les dents où il persiste pendant longtemps. On en trouve également dans les mitochondries.

Diverses formes d’arsenic traversent le placenta.  

Biotransformations

Dans l’organisme l’arsenic subit des biotransformations : Il y a oxydation de l’arsenic trivalent en arsenic pentavalent et on trouve, après absorption d’arsenic trivalent, de l’arsenic pentavalent dans les urines.  

Il y a de plus méthylation de l’arsenic trivalent en dérivés organométalliques , la S-adénosyl-méthionine jouant le rôle de donneur de -CH3, comme l’acide monométhylarsonique, MMA, et l’acide diméthyl arsinique, DMA, qui s’appelle également acide cacodylique.  

Elimination

L’arsenic s’élimine en grande partie dans l’urine, la concentration normale dans l’urine est de l’ordre de 10 à 20 µg/L qui se répartit de la manière suivante : environ 15% sous forme inorganique, 15% sous forme d’acide monométhyl arsonique, MMA, et 70% sous forme de diméthyl arsonique acide , DMA. Cette élimination urinaire chez les sujets n’ayant aucune source d’intoxication par l’arsenic augmente considérablement après des repas riches en poissons ou en coquillages et peut atteindre des concentration de 100 à 1000µg/L.  

Il est donc extrèmement important de vérifier l’apport alimentaire avant de considérer qu’il s’agit d’une intoxication. Dans ce cas l’arsenic est présent sous des formes organométalliques, dérivés méthylés ou diméthylés, arsénobétaïne, arsenic lié à des sucres.

Effets : toxicité et utilisation thérapeutique

L’arsenic pouvant exister sous différentes formes chimiques ayant des propriétées différentes, il n’est pas possible de traiter les éffets de l’arsenic comme s’il s’agissait d’un seul produit.

La toxicité de l’arsine, hydrure d’arsenic, AsH3 n’est pas liée à l’arsenic lui même mais à la molécule AsH 3 qui est très réactive.  

AsH3 <-> As3+ + 3H;    H + H2O   ======>  0H + H2

L’ion hydrure, H, est donc à la fois basique car il est entraine la production de d’ion 0H et libération d’hydrogène qui est un réducteur très puissant. L’arsine est un gaz qui diffuse rapidement et, est très réactif, dans le sang il lyse les érythrocytes. Son inhalation entraine de nombreux symptomes : difficulté respiratoire, vomissements, douleurs abdominales, hémoglobinurie colorant les urines en rouge-violet, puis anurie.  

Le tableau suivant indique la DL 50 en mg/kg chez le rat de quelques dérivés de l’arsenic, administrés par voie orale.

  • Arsénite : 14 mg
  • Arsénate : 20 mg
  • MMA 700 à 1800 mg
  • DMA 700 à 2600 mg
  • Arsénobétaïne 10 000 mg

Cette liste montre de certaines formes d’arsenic et la très faible toxicité des dérivés méthylés et l’absence de toxicité des dérivés de la bétaine. Les dérivés de l’arsenic liés au sucres sont également très peu toxiques.  

L’arsenite, arsenic trivalent, à une grande affinité pour les groupes SH et il inhibe diverses enzymes où le groupe SH joue un rôle essentiel. Il s’accumule dans les tissus qui contiennent des groupes SH (kératine) comme la peau les poils.  

L’arsénate, arsenic pentavalent, ayant de grande ressemblance avec le phosphate , entre en compétition avec ce dernier et intervient dans des phénomènes de phosphorylations qui sont extrèmement nombreux et dans la synthèse d’ATP par les mitochondries.

Les manifestations de l’intoxication arsenicales vont dépendre de son intensité, forme aigue ou chronique, de la forme d’arsenic responsable de l’intoxication.

Troubles respiratoires : En cas d’inhalation d ‘arsenic lié aux poussières et non d’arsine qui est à l’état gazeux on a des troubles respiratoires et en cas d’intoxication chronique, une altération des muqueuses nasales pouvant conduire jusqu’à la perforation de la cloison nasale par action locale des dérivés de l’arsenic.  

Troubles digestifs : En cas d’intoxication par voie digestive, on peut observer des diarrhées, des vomissements parfois sanglants, des douleurs abdominales qui sont des signes peu spécifiques .  

Troubles cutanéomuqueux : mélanodermie qui touche surtout les parties couvertes essentiellement le thorax, taches de couleurs gris-noiratre, hyperkératose palmoplantaire, dyskératose pouvant précéder l’apparition d’épithélioma spinocellulaire. L’arsenic augmente la fréquence des cancers cutanés. Une intoxication par l’arsenic peut provoquer l’apparition de lignes transversales blanches sur les ongles (lignes de Mees).

Troubles neurologiques : Une encéphalopathie peut s’observé et surtout des polynévrites pouvant rappeler la symptômathologie du syndrome de Guillain-Barré. 

Troubles hépatiques : élévation des transaminases.

Troubles cardiovasculaires : on observe une vaso dilatation avec rougeur de la face.

Troubles hématologiques : anémie et leucopénie d’intensité modérée.

L’asénate s’est montré tératogène au cours des expérimentations animales.

Utilisation thérapeutique : antileucémique.  

Diagnostic de l’intoxication arsenicale

Le diagnostic des intoxications aigues est relativement facile lorsque l’on connait les circonstances de l’accident. Le dosage d’arsenic dans le sang et l’urine apporte la preuve de l’intoxication.  

Par contre il est beaucoup plus difficile d’affirmer une intoxication chronique. Le dosage de l’arsenic sanguin peut montrer une élévation des concentrations : le dosage de l’arsenic urinaire est très utile mais il est necessaire de différencier l’arsenic inorganique de l’arsenic organique MMA et DMA. Le dosage de l’arsenic dans les cheveux permet également de confirmer une intoxication (en évitant une contamination externe de l’échantillon).

Traitement de l’intoxication arsenicale

Le traitement classique de l’intoxication arsenicale comporte l’utilisation de chélateurs, le plus classique étant le dimercaprol , ou BAL, qui s’administre par voie intramusculaire. Il est également possible de recourir à l’acide dimercaptosuccinique et par voie orale à la pénicillamine. Voir Chélateurs.

Par ailleurs étant donné que les dérivés méthylés sont peu toxiques il semblerait utile de favoriser la méthylation en administrant des donneurs de méthyl comme la S-adénosine méthionine.