Auteur : Pierre Allain

Eléments (métaux)

Les propriétés biologiques des éléments découlent de leurs caractéristiques physico-chimiques : ionisation, pouvoir polarisant, polarisabilité, potentiel d’oxydo-réduction.

Ionisation, pouvoir polarisant

Dans l’organisme, les éléments minéraux, sodium, potassium, calcium, magnésium, cuivre, zinc, fer, sont ionisés par perte d’électrons, ce sont des cations. Le chlore et le brome sont ionisés par gain d’électron et deviennent les anions chlorure et bromure.

Les cations ionisés par perte d’électron ont un rayon ionique beaucoup plus petit que les anions ionisés par gain d’électron et interagissent plus fortement avec leur environnement polaire. La valeur du rayon ionique est une approximation car on ne peut pas dire où se termine un ion ou un atome.

Les ions réagissent entre eux et avec les molécules organiques présentant des zones nucléophiles ou électrophiles par des forces électrostatiques d’attraction ou de répulsion.

Les interactions sont d’autant plus fortes que la charge de l’ion est élevée et son rayon faible. Le rapport charge sur rayon indique le pouvoir polarisant d’un ion.

Un ion est entouré par un certain nombre d’autres ions de charge de signe opposé (ou par extension de sites moléculaires portant une charge de signe opposé). Le nombre préférentiel d’interactions entre un ion et les autres ions de charge de signe opposé s’appelle le nombre de coordination. Ce nombre dépend en grande partie de la taille relative des ions de charge opposée en présence, des forces électrostatiques d’attraction entre ions de signe opposé et de répulsion entre ions de même signe. Le nombre de coordination est généralement compris entre 2 et 8 et très fréquemment de 4 à 6. Le rayon ionique augmente lorsque le nombre de coordination augmente.

Les interactions entre un ion et les molécules d’eau jouent un rôle très important en biologie.

L’hydratation d’un ion résulte des interactions qui s’établissent entre lui et les dipôles formés par les molécules d’eau. Un ion présent dans l’organisme sous forme hydratée est cependant considéré comme à l’état libre, par opposition aux ions fixés aux protéines ou à d’autres molécules organiques. En raison de la polarité de la molécule d’eau, les cations interagissent avec l’atome d’oxygène de la molécule d’eau et les anions avec les atomes d’hydrogène.

L’enthalpie d’hydratation, c’est-à-dire l’énergie nécessaire pour détacher les molécules d’eau d’un ion, est exprimée négativement en Kj / mol-1. Elle est d’autant plus importante que l’ion est fortement chargé.

Le lithium a un effet plus polarisant que le sodium en raison de son plus petit rayon ionique. De même le calcium, en raison de sa double charge.

Les cations trivalents sont très liés à l’eau et exercent leur influence sur plusieurs couches concentriques de molécules d’eau.

Dans les milieux biologiques, les cations, à l’exception des alcalins, réagissent préférentiellement avec diverses molécules endogènes comportant des atomes d’azote ou de soufre qu’avec l’eau. Ils sont présents à l’état lié aux acides aminés, aux protéines etc. Le zinc, par exemple, qui a un nombre de coordination égal à 4 dans le site catalytique de l’anhydrase carbonique, est lié à un atome d’azote de trois résidus histidine et à un groupe OH d’une molécule d’eau. Il favorise ainsi le transfert de ce groupe OH sur le dioxyde de carbone.

E – Zn – OH + CO2 ¾® E – Zn + CO3H

Eléments

Li+

Na+

K+

Mg+

Ca+

Fe3+

F

Cl

Charge

1

1

1

2

2

3

-1

-1

Rayon ionique A°

0,68

0,97

1,33

0,66

0,99

0,64

1,33

1,81

R = charge/ rayon

1,47

1

0,75

3

2

4,6

0,75

0,55

Enthalpie d’hydratation Kj/mol

-519

-406

-322

-1921

-1577

-4430

-515

-381

Rayon ionique et charge de quelques éléments

Polarisabilité

La mobilité du nuage électronique, c’est-à-dire la polarisabilité, augmente avec le nombre d’électrons. Les ions peu polarisables sont appelés « hard » ou durs, les ions polarisables « soft » ou mous.

Les ions durs, comme le calcium et le magnésium, n’interagissent pas avec les molécules soufrées, alors que les ions mous comme le plomb, le cadmium, le mercure, interagissent préférentiellement avec les molécules soufrées. Ces ions mous établissent des liaisons covalentes de faible énergie avec le carbone et forment des complexes organométalliques comme Pb(CH2-CH3)4, Hg(CH3)2, As(CH3)3.

Il existe des cations ayant la même charge, un rayon ionique voisin mais un nombre différents d’électrons. Ils ont des ressemblances mais pas les mêmes propriétés, et peuvent se comporter en antagonistes. C’est ce que l’on observe avec le potassium, le rubidium et le thallium d’une part et le calcium et le cadmium ou le plomb d’autre part.

Elément

K+

Rb+

Tl+

Ca2+

Cd2+

Rayon ionique en A°

1,33

1,47

1,47

0,99

0,97

Nombre

d’électrons

18

36

80

18

46

Rayon ionique d’éléments essentiels et toxiques

À côté des ions élémentaires que nous venons de voir, il existe aussi des ions moléculaires comme le sulfate SO42- le phosphate PO43- etc. Par ailleurs, toute molécule à fonction acido-basique peut, par échange d’un proton H+, prendre une charge positive ou négative.

Potentiel d’oxydoréduction

Certains éléments, plus particulièrement le fer et le cuivre, ont la capacité de céder ou d’acquérir réversiblement des électrons. Comme les électrons n’existent pas à l’état libre en solution, l’oxydant fixe les électrons cédés par le réducteur. La substance qui perd des électrons est appelée réducteur, celle qui les gagne est appelée oxydant.

Le potentiel d’oxydoréduction d’une réaction est exprimé en volt, par rapport à celui de l’hydrogène.

En biologie, le fer en particulier joue un rôle essentiel dans le transfert d’électrons au cours de la respiration cellulaire.

Conséquences biologiques

Eléments (métaux) essentiels

Beaucoup d’éléments essentiels sont présents dans l’organisme sous forme d’ions.

Les ions traversent les membranes biologiques non pas au niveau de la bicouche lipidique mais au niveau des structures protéiques, canaux, pompes etc.

Le passage d’un ion à travers une membrane biologique par un canal suppose une approche de l’entrée du canal par l’ion, attiré par des charges électrostatiques de signe opposé, et sa déshydratation au moins partielle avant de franchir le goulot d’étranglement et d’arriver à l’intérieur du cytoplasme.

  • Les cations alcalins, sodium, potassium et rubidium, monochargés et de rayon ionique assez important, ainsi que les anions comme le chlorure et le bromure, sont à près de 100% à l’état libre. Ils ne sont pas liés aux protéines dans les milieux biologiques mais sont seulement hydratés. De plus, comme leur énergie d’hydratation est faible (voir enthalpie d’hydratation), ils se libèrent facilement des molécules d’eau qui les entourent et passent facilement à travers certaines structures protéiques des membranes biologiques.
    Ils assurent des fonctions de polarisation et de dépolarisation cellulaire.
    Les ions alcalins ne forment pas de complexes avec les molécules organiques mais peuvent s’introduire dans des cavités formées par des molécules organiques appelées cryptands. L’association élément-cryptand est appelée cryptate ou clathrate.
  • Les ions bichargés comme les alcalinoterreux, calcium et magnésium, sont présents dans les tissus sous forme non liée mais hydratée et sous forme liée à diverses molécules organiques. Sur le plan biologique le calcium, outre son rôle dans la constitution de l’os, a deux fonctions : participer à la polarisation cellulaire en traversant la membrane plasmique, et moduler l’activité de certaines protéines, notamment des enzymes, et jouer ainsi le rôle de messager intracellulaire.
  • Les autres ions bichargés comme le zinc, le cuivre, le fer, le sélénium, présents dans les milieux biologiques, ne sont pas liés aux molécules d’eau mais à diverses molécules, acides aminés et protéines, le plus souvent spécifiques. Ils n’interviennent pas dans les phénomènes de polarisation.
  • Les ions très polaires soit parce qu’ils portent trois charges positives, comme le fer ferrique et l’aluminium, soit parce qu’ils ont un rayon ionique de faible dimension, comme le béryllium ne sont pas présents à l’état libre, si ce n’est d’une manière extrêmement fugace lors de leur transfert d’une molécule à l’autre. Ces ions, quand ils sont présents dans l’eau, créent autour d’eux un ensemble de couches concentriques de molécules d’eau qui s’orientent, les atomes d’oxygène tournés vers le cation. Ils ne traversent pas les membranes biologiques et ne sont pratiquement pas absorbés après administration orale.
  • Le fer et le cuivre présents dans des métallo-enzymes assurent, grâce à leur potentiel d’oxydo-réduction, les transferts d’électrons. Ils sont présents dans les cytochromes des mitochondries et les cytochromes P-450 des microsomes.
  • Le zinc n’assure pas de transfert d’électrons, mais intervient dans la stabilisation de diverses structures protéiques dans des conformations particulières (enzymes, protéines en doigts de zinc).

La déficience ou l’excès en un élément essentiel se traduit par des manifestations pathologiques.

Eléments (métaux) toxiques

Certains éléments, lorsqu’ils sont présents dans l’organisme, provoquent des effets toxiques qui ont deux explications :

  • leur ressemblance avec des éléments essentiels, notamment à l’état ionique. Ainsi l’ion thallium monovalent entre en compétition avec l’ion potassium, les ions divalents plomb et cadmium avec le calcium, l’arsenate avec le phosphate.
  • leur réactivité différente : les éléments toxiques ont une grande affinité pour certaines molécules endogènes, notamment celles qui ont un ou plusieurs groupes SH, dont ils inhibent l’activité.

Voir le chapitre Métaux, toxicologie et ses sous chapitres :