Auteur : Pierre Allain

Neuropeptides, agonistes et antagonistes

On trouve dans le cerveau, et généralement aussi dans l’intestin, des peptides qui jouent le rôle de médiateurs ou de neuromodulateurs et sont généralement appelés neuropeptides. Outre les enképhalines ou opioïdes endogènes qui sont les plus connus, la  neurotensine et la nociceptine par exemple sont classés parmi les neuropeptides. D’autres peptides, présents dans l’hypothalamus par exemple, sont classés soit parmi les neuropeptides soit parmi les hormones.

Les propriétés de la morphine (effet analgésique, tolérance, dépendance) sont connues depuis très longtemps. La découverte des récepteurs morphiniques a été fondée sur la mise en évidence dans les extraits de cerveau de macromolécules fixant la morphine d’une manière stéréospécifique, saturable et compétitive.

Les agonistes endogènes des récepteurs morphiniques ont été découverts plus tard. Dans le cerveau, ce sont des polypeptides appelés opioïdes endogènes. Ils dérivent par hydrolyses successives de trois précurseurs qui sont la pro-opio-mélanocortine, la proenképhaline et la prodynorphine. Les opioïdes formés de 15 à 30 acides aminés sont appelés endorphines, ceux qui sont formés de moins de 10 acides aminés sont appelés enképhalines, les principales étant la leu-enképhaline et la meth-enképhaline. Elles sont inactivées par des enképhalinases et les inhibiteurs des enképhalinases entraînent une augmentation de leur concentration tissulaire.

Les macrophages et les lymphocytes synthétisent aussi des enképhalines, notamment lors d’une inflammation.

Il existe des récepteurs morphiniques centraux et périphériques.

Les enképhalines activent divers types de récepteurs du système nerveux central, parmi lesquels les récepteurs m (mu), m1, m2, et k (kappa) k1, k2, k3, sont les mieux décrits. L’activation des récepteurs m, appelés aussi OP3 (Opioid receptor), entraîne analgésie, dépression respiratoire, constipation, dépendance, myosis, hypothermie. L’activation des récepteurs k, appelés OP2, provoque analgésie, sédation, myosis. L’analgésie par les morphiniques peut provenir de l’activation des récepteurs m et k et la dépendance de l’activation des récepteurs m. Il existe également des récepteurs d appelés OP1. Cependant cette vue schématique ne traduit pas la complexité des faits; on sait, par exemple, que l’activation des récepteurs k peut avoir des effets opposés à ceux de l’activation des récepteurs m.

D’autres peptides endogènes dont le précurseur n’a pas encore été identifié ont une grande affinité pour les récepteurs m, tout en ayant la capacité de les activer et de provoquer une analgésie importante ; il s’agit de l’endomorphine-1 (Tyr-Pro-Trp-Phe-NH2) et de l’endomorphine-2 (Tyr-Pro-Phe-Phe-NH2).

Les récepteurs s, dont la stimulation se traduit par une analgésie, une mydriase, une stimulation respiratoire et éventuellement un délire, ont été rattachés aux opioïdes mais ne le sont plus actuellement.

Les enképhalines stimulent aussi des récepteurs situés sur des neurones périphériques, ce qui participe également à leur effet analgésique. Cette constatation permet d’envisager le développement de médicaments enképhalinomimétiques actifs sans pénétrer dans le cerveau.

Certains peptides endogènes pourraient se comporter comme des antagonistes des opioïdes morphinomimétiques.

La mise en évidence de la présence dans le cerveau de peptides endogènes ayant un effet algésique, c’est-à-dire opposé à celui de la morphine et à celui des opioïdes endogènes connus jusqu’à présent, montre la complexité de la régulation de la perception douloureuse. L’un de ces peptides endogènes constitué de 17 acides aminés, la nociceptine ou orphanine, agit sur un récepteur appelé ORL1 (opioid receptor like-1). Ses antagonistes seraient susceptibles de réduire l’intensité de la douleur.

Le point capital à souligner est l’extrême complexité des différents opioïdes ainsi que de leurs récepteurs. Les récepteurs aux opioïdes sont certes couplés aux protéines G, mais ces dernières agissent par l’intermédiaire de leurs sous-unités a et ß g qui présentent elles-mêmes une grande diversité et conduisent à des effets différents.

Dans ce chapitre, nous décrirons les principaux effets des agonistes et des antagonistes opioïdes chez l’homme sans les classer en fonction des récepteurs spécifiques sur lesquels ils agissent.