Auteur : Pierre Allain

Caractéristiques générales des antigènes

L’antigène est un immunogène. C’est en général une protéine ou un polysaccharide de poids moléculaire élevé, considéré par l’organisme comme étranger à lui-même et qui entraîne une réponse immunitaire.

On peut aussi définir l’antigène comme toute substance qui réagit spécifiquement avec des molécules anticorps.

L’antigène est une molécule soit d’origine exogène, introduite dans l’organisme ou mise en contact avec lui, soit d’origine endogène, synthétisée par les cellules de l’organisme spontanément ou à l’initiative d’un virus qui s’est introduit dans la cellule et a utilisé la machinerie de la cellule hôte pour se reproduire.

L’épitope ou déterminant antigénique est la partie de l’antigène qui se lie à l’anticorps.

L’haptène est une molécule de petite taille, non antigénique par lui-même, mais qui peut le devenir lorsqu’il s’est lié à une macromolécule. Certains médicaments peuvent se comporter comme des haptènes.

Antigènes et lymphocytes T

Les antigènes natifs n’interagissent pas directement avec les lymphocytes T.

Pour qu’un antigène active un lymphocyte T, il doit au préalable être transformé et présenté à l’extérieur d’une cellule. C’est l’apprêtement de l’antigène. Il interagit alors avec le récepteur du lymphocyte T appelé TCR (T cell receptor).

Selon son origine, l’antigène active les lymphocytes T de type CD8+ ou de type CD4+.

  1. L’antigène d’origine endogène, c’est-à-dire provenant de protéines synthétisées dans le cytosol, résulte de la dégradation de la protéine dans le cytoplasme par un complexe catalytique appelé protéasome, puis un fragment formé est véhiculé dans le réticulum endoplasmique où il s’associe à une glycoprotéine codée par le système majeur d’histocompatibilité (MHC), appelé chez l’homme système HLA (human leucocyte antigen) de classe I. L’ensemble ainsi formé migre et expose le fragment peptidique à la surface de la cellule.
    Les molécules de classe I qui existent dans la quasi-totalité des cellules sont formées d’une chaîne a transmembranaire, subdivisée en trois domaines a1, a2, a3, complétée par la ß2-microglobuline. Ce sont les domaines a1 et a2 qui forment la poche de présentation des fragments peptidiques.
    L’antigène qui est présenté par les molécules de classe I, est reconnu par les lymphocytes T cytolytiques de type CD8+ qui, activés en présence d’IL-2 et d’interféron g, se fixent à la cellule porteuse de l’antigène et la détruisent, grâce notamment à des perforines qui forment de véritables canaux laissant les ions entrer dans la cellule.
    C’est le mécanisme de destruction des cellules tumorales et des cellules infectées par des virus, mais il n’est pas infaillible, comme le démontre l’existence de cancers et d’infections virales comme le Sida.
    De plus, ce mécanisme de défense, lorsqu’il se dérègle, peut prendre ses propres constituants comme antigènes et les détruire (auto-immunité).
  2. L’antigène exogène, c’est-à-dire non initialement présent dans les cellules de l’organisme, doit, pour déclencher une réponse immunitaire, être reconnu par des cellules appelées APC (antigen presenting cells) qui sont des macrophages, des cellules de Langerhans de l’épiderme, des lymphocytes B, des cellules dendritiques et des cellules endothéliales.
    Les APC incorporent par endocytose la protéine dans des vésicules. Cette protéine, par la voie des endosomes, est ensuite fragmentée. Un des fragments formés, appelé peptide antigénique, est fixé par les molécules intracytoplasmiques HLA ou MHC de classe II. Ces molécules de classe II, constituées de deux chaînes transmembranaires a et ß unies de manière non covalente, forment une poche contenant le fragment antigénique et migrent à la surface de la cellule.
    Cet antigène porté par le MHC de classe II est reconnu par le récepteur TCR des lymphocytes T Helper CD4+ de type Th1 et Th2, qui, ainsi activés, libèrent des cytokines.
    Les lymphocytes T Helper CD4+ de type Th1 activés libèrent l’interleukine 2, et l’interféron g, qui, entre autres effets, stimulent les lymphocytes T cytotoxiques CD8+.
    Les lymphocytes T Helper CD4+ de type Th2 libèrent les interleukines IL-4, IL-5, IL-6, IL-10 qui stimulent les lymphocytes B, ce qui conduit à la maturation et à la différenciation de certains d’entre eux jusqu’au stade ultime de plasmocytes, lesquels synthétisent et sécrètent les anticorps.

Les lymphocytes B peuvent se comporter en APC : ils fixent les antigènes par leurs immunoglobulines de surface, les phagocytent, les apprêtent et présentent le peptide antigénique dans la poche des molécules de classe II. Dans ces conditions, les lymphocytes B stimulent les lymphocytes T Helper.

Comme nous l’avons dit précédemment, les lymphocytes T ne reconnaissent et ne répondent à un antigène protéique que s’il est présenté à la surface d’une autre cellule. Cependant, certaines entérotoxines bactériennes, certaines protéines virales activent directement les lymphocytes T Helper CD4+ et CD8+ d’une manière peu spécifique et intense, en unissant les molécules de classe II des APC au récepteur TCR des précédents lymphocytes. Ils sont appelés superantigènes. La présence des cellules présentatrices de l’antigène est nécessaire mais il n’est pas indispensable qu’elles aient apprêté le superantigène. En fait le superantigène unit latéralement les molécules MHC des APC au TCR.

Antigènes et immunoglobulines

L’antigène extracellulaire peut interagir avec les immunoglobulines de diverses manières :

  1. Il peut se fixer sur des anticorps comme les IgE disposés à la surface des mastocytes et entraîner leur dégranulation avec libération de médiateurs. C’est l’hypersensibilité immédiate ou de type I, qui peut être cutanée, pulmonaire ou générale. Dans ce dernier cas il y a choc anaphylactique.
  2. Il peut, sous forme de complexe antigène-anticorps, activer la voie classique du complément, transformant le C1 en C1 activé, ce qui conduit à la formation des protéines C5 à C9 activées qui sont répertoriées sous le terme de MAC (membrane attack complex), parce qu’il provoque la lyse des cellules cibles par formation de canaux transmembranaires. C’est une réaction immunitaire de type II. Il s’agit d’un mécanisme de défense de l’organisme contre un agent microbien invasif mais, en cas de formation d’auto-anticorps, ce sont les cellules de l’hôte qui sont prises pour cibles ; c’est le cas pour les anémies hémolytiques auto-immunes acquises et le purpura thrombocytopénique.
  3. Il peut rencontrer des anticorps circulants spécifiques qui le neutralisent. L’antigène soluble et l’anticorps correspondant peuvent former un complexe immun, qui se dépose au niveau des parois vasculaires, provoquant, après activation du complément, une réaction immunologique de type III.
  4. Il peut se fixer sur les anticorps présents à la surface des lymphocytes B qui prolifèrent et sécrètent des immunoglobulines, essentiellement de type IgM. Cette stimulation peut être obtenue par des antigènes T-dépendants et T-indépendants. Les antigènes T-indépendants ont un poids moléculaires élevé et une structure linéaire, comme les polysaccharides pneumococciques et les liposaccharides d’Escherichia coli.
  5. Il peut, lorsqu’il est présent à la surface d’une cellule, fixer un anticorps par son fragment Fab (Voir « Immunoglobulines ou anticorps ».). Dans ces conditions le fragment Fc de l’anticorps peut interagir avec le récepteur Fc des NK (natural killer) et les activer pour lyser la cellule cible.

Remarque

Le terme CD (cluster of differenciation) désigne des protéines membranaires présentes à la surface des cellules. Les principales fonctions de ces divers CD (CD1 à plus de CD150…) sont de permettre l’adhésion intercellulaire et la transmission du signal au cytoplasme et au noyau de la cellule réceptrice.