Balade du côté des génériques

Quand on consulte les listes de médicaments génériques, on est submergé par leur nombre : pour un même principe actif, une même DCI, il peut y avoir plus d’une centaine de présentations commerciales appelées spécialités. Ainsi selon le Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques de l’Afssaps, il y a pour alprazolam 40 spécialités, pour amlodipine, 102, et pour amoxicilline, 251, et ainsi de suite. Ces génériques sont produits par des génériqueurs divers et changeants dont les coordonnées sont mal précisées : ainsi, sur le RCP des génériques, leur adresse ne comporte pas de numéros de téléphone, parfois ça se borne à un seul nom suivi de celui d’un pays étranger. En ce qui concerne les prix des génériques, il n’existe aucune donnée publique accessible, à part le Journal Officiel de la République Française qui n’est pas des plus faciles à consulter. Le Dictionnaire Vidal ne mentionne pas le prix des génériques. Le médecin, un peu curieux, qui voudrait connaître le prix des génériques qu’il prescrit n’a qu’une solution : le demander à un pharmacien d’officine ou au pharmacien-conseil de l’Assurance Maladie.

L’engouement des génériqueurs pour conquérir le marché, même celui de médicaments déjà très peu coûteux, laisse supposer qu’ils y retrouvent leurs billes et que les prix sont suffisamment élevés pour rester attractifs pour eux. On peut donc penser que les prix peuvent encore baisser. Bizarre concurrence où le prix est bloqué pour une durée indéterminée et où, par principe, on ne peut pas améliorer le produit que l’on vend puisqu’il doit rester identique à son modèle.

Etait-il, est-il encore possible de faire autrement ? J’avais émis en son temps l’idée de recourir à un appel d’offres : lorsqu’un médicament princeps, de référence, tombait dans le domaine publique, le Ministère de la Santé organisait un appel d’offres pour sélectionner en fonction du prix le plus bas (les produits étant supposés techniquement équivalents) un ou deux génériques correspondant au médicament de référence concerné et ceci pour une durée déterminée, par exemple 3 ou 4 ans. Au terme de ce contrat, un nouvel appel d’offres serait lancé. Cette procédure ne me paraissait pas d’une complexité extrême : une fois vérifié que le postulant remplissait les critères techniques (ce qui doit se faire dans tous les cas, en dehors de tout appel d’offres), le classement par prix décroissant me paraissait à la portée d’une commission d’experts ! Le laboratoire retenu et le prix convenu seraient publiés, ainsi que la durée du contrat. Autrement dit, l’idée était que le Ministère de la Santé fasse le tri en amont plutôt que de laisser fabricants,  génériqueurs,  distributeurs et pharmaciens  se dépatouiller avec des milliers de « spécialités » au milieu de rivalités commerciales  pour prendre la plus grande part du marché.

Les génériques ont fait baisser les prix des médicaments, c’est indiscutable, mais la procédure utilisée pour y parvenir n’est pas la plus efficace, elle est opaque, lourde, complexe, difficile à contrôler, et coûteuse. 

Les pouvoirs publics, à  travers leurs différents organismes, peuvent exercer des pressions sur les médecins, notamment les généralistes, pour la prescription des génériques mais les médecins, comme les autres citoyens, peuvent aussi demander aux pouvoirs publics, c’est-à-dire  aux politiques, s’ils considèrent avoir bien géré l’introduction des génériques en France (à l’étranger ce n’est peut-être pas mieux mais ceci est une autre affaire).

Post-Scriptum : Génériques du clopidogrel, Plavix*. 

Un communiqué de l’Afssaps daté du 25 mars 2010 indique qu’un rappel de certains lots de génériques de  clopidogrel est en cours, à la suite d’une « inspection des locaux du fabricant de clopidogrel Glochem situé à Visakhapatnam en Inde ». Ce communiqué m’a conduit à consulter le Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques où en tapant « substance active clopidogrel » on est renvoyé sur 5 variantes clopidogrel, bésilate de, bisulfate de, chlorhydrate de, hydrogénosulfate de et sulfate de… En tapant (il n’y a pas de lien informatique) « clopidogrel (bésilate de) » on tombe sur 21 spécialités et en tapant le reste on a 5 ou 6 spécialités de plus, le Plavix* étant dans 3 d’entre elles. Je n’ai pas le prix de ce générique.  Combien coûte sa « gestion » aux pouvoirs publics, y compris l’inspection en Inde ?  En passant, le RCP de Plavix* n’est pas dans le Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques.

Vos commentaires sont les bienvenus ici.

9 commentaires on “Balade du côté des génériques

  1. Bonjour,
    Il me semble que le problème du prix des génériques est bien plus simple que vous ne l’annoncez. Les génériques ont un niveau de prix fixé par le gouvernement (50% du princeps environ à l’heure actuelle), ils ont tous le même prix, cela fonctionne comme pour les princeps. Il ne peut pas y avoir plus de génériques que de princeps….
    Votre article, laisse croire que les génériqueurs sont des sous fabricants, qui opèrent en marge de l’industrie officielle. C’est le discours de Sanofi (je crois lire un de leur représentant). Or les génériqueurs sont des fabricants qui travaillent pour tout le monde souvent (sous-traitants) et qui ont pignon sur rue.
    Qu’on soit contre les génériques, pour des raisons politiques (ou de « reconnaissance du ventre »), je veux bien, mais au plan thérapeutique la chose est entendue, leur efficacité et leur qualité est identique.
    Si vous n’arrivez pas à joindre une génériqueur c’est que vraiment vous n’avez pas les bons outils, car ils sont bien visibles… Essayez de savoir qui fabrique vraiment certains princeps et vous allez voir. Par contre c’est vrai que le vidal les ignore royalement, mais en France ils doivent être une petite dizaine, pas plus.
    Je suis étonné qu’un site si bien informé pour l’aspect pharmacologique le soit si peu sur ce plan administratif, mais ce n’est surement pas sa vocation.
    Pour ce qui est du prix des produits, il est bien évident que la marge est importante puisque la fixation des prix de vente n’est pas directement liée aux couts de fabrication amis à une savante alchimie de smr et autres asmr…
    Cordialement.

  2. Merci Pour le Sujet. mais j’ai une question, concernant les prix, comment peut-on expliquer la baisse du Prix du PLAVIX ( je dis bien plavix), en algérie, de 5000 DA ( 50 euro ) avant le 13/03/2010, à 1720 DA ( 17.2 euro ). même les lot avec l’ancien prix sont récupérés pour re-vignettage. il devenu moins cher que tous les génériques disponibles.

  3. Mille fois d’accord sur la remarque de « réserve » de marge= on n’est pas au prix le plus bas.
    Les génériques ont fait baisser les prix= Quid des volumes 😆 ???
    A l’époque du grand débat sur les génériques, il fut avancé l’idée saugrenue que cela ne servait à rien. Puisque en France, le mdct est entièrement administré surtout son prix, il aurait suffit que l’administration propose un prix à -xx% au fabricant du princeps. Et on aurait évité l’explosion de l’offre et surtout on aurait gardé la sécurité éprouvée du princeps. On aurait également évité la floraison de commission d’évaluation et ses cohortes d’experts.

  4. merci pour le sujet;

    je suis pharmacien algérien, personnellement vue l’absence en Algérie d’un organe qui peut effectuer une vérification de l’équivalence thérapeutique d’un générique avec le princeps, il est difficile de faire théoriquement confiance dans le générique.

    merci

  5. un appel d’offre est sans doute impossible car il restreindrait le droit de commercialiser une spécialité alors que le brevet est tombé dans le domaine public. biensur que l’existence de 2 ou 3 spécialités générique par DCI simplifierait le travail des médecins et surtout des pharmaciens!! (dont je fais partie) mais cette mesure aurait bcp d’effets pervers: en France le pharmacien est le moteur du marché des génériques puisqu’il gagne mieux sa vie en vendant un générique pourtant 30% moins cher en moyenne. en l’absence de concurrence, le pharmacien serait obligé de commander les génériques chez une douzaine de laboratoires génériqueurs différents (au lieu de 1 ou 2 ou 3 en général) sans marché global et donc sans remise commerciale interessante. donc le pharmacien ne serait plus inciter à proposer le génériques et donc revendrait du princeps + chers! et hop finies les économies! sauf si les médecins se mettent à prescrire explicitement des génériques, et ça je n’y crois pas!
    autre solution: mettre princeps et génériques au meme prix et accorder les memes remises sur le princeps mais ça… c’est les labos qui ne vont pas être contents!

  6. Non, tous les génériques ne se valent pas, c’est d’ailleurs bien dit dans l’rticle, pour le clopidogrel, il existe plusieurs sels, et on peut donc douter de la stricte équivalence de ceux-ci…
    Pour ce qui est du prix, effectivement le plavix coûte 60 euros environ, contre 30 (environ) pour le générique, ou devrais-je dire LES génériques, qui sont tous au même prix (mais pas au même prix d’achat !).
    Bien que certains génériqueurs aient pignon sur rue comme vous dite, (ex de ratiopharm), d’autres sous traitent dans des usines en Inde notamment, où la même usine peut produire princeps, générique, et contrefaçons ! le laboratoire exploitant est facilement trouvable, mais pour savoir où se situe l’usine ou le sous traitant qui a fabriqué le comprimé, je vous souhaite bon courage !

    C’est cependant évident que la solution évoquée dans l’article aurait été la meilleure, c’est ce qui se passe d’ailleurs à l’hopital : tous les 2 ou 3 ans, il y a un appel d’offre, et le moins cher remporte le marché, par exemple, pendant 3 ans on trouvera du paracetamol TEVA dans l’hopital, et pas de doliprane, ni de dafalgan, ni de paracetamol d’autres génériques…

    PS : avec la vente des médicaments sur internet que propose roselyne bachelot, plus de soucis avec la traçabilité, on jouera bientôt à la roulette russe en voulant se soigner.

  7. Je vous informe qu’une méta analyse et revue systématique sur les antiépileptiques était récemment sortie dans Drugs (2010, 70 (5) : 605-21), par les auteurs ayant réalisé celle sur les médicaments cardiovasculaires dans le NEJM 2008 (Kesselheim).
    Instructif mais la MA ne concerne que d’anciens antiépileptiques mais s’avère rassurante ; la revue systématique aborde les publis canadiennes sur l’impact économique de Le Lorier et al. Avez vous eu l’occasion de lire cette MA ? peut etre bientot un article ?

    Très cordialement,

  8. Le générique est une aberration totale, et donnera lieu, un de ces jours à un scandale de Santé Publique.
    1/ il est source de confusions, , notamment chez les personnes âgées, à qui sont prescrits de nombreux médicaments : vous prenez bien votre GLucophage ? : Non..Et vous voyez dans la corbeille de médicaments trois boites de metformine. Dont le packaging risque de changer au prochain renouvellement. Augmentant la confusion.
    J’ai déjà vu plusieurs Patients, prendre en même temps l’original et le générique (dernièrement le Triatec et le ramipril…)
    2/ le prix des médicaments n’est pas libre, : il est calculé, en fonction de critères ((financiers, médicaux..) par une commission d’AMM de la HAS. Au bout de 20 ans, l’Agence responsable peut imposer, par un décret, que le prix d’un médicament soit diminué de 30 %. Sans pouvoir discuter, comme l’augmentation du prix du pain ou de l’essence, ou du petit noir au comptoir.
    3/Le générique peut être fabriqué dans un pays ou les contrôles qualité n’ont pas la même efficacité que dans les pays ou traditionnellement le médicament original était fabriqué.
    4/on parle de copie conforme : un sulfate de clopidogrel n’est pas équivalent à un bésilate de clopidogrel. Parmi d’autres sels…
    Plusieurs mois, le Plavix à été vendu, et remboursé, plus de 50 euro., alors que le clopidogrel Wintrop, qui sortait de la même chaîne de fabrication était lui vendu, et remboursé, une trentaine d’euro.
    5/le Pharmacien d’Officine est amené à prescrire des génériques (et à mettre, à la main, le nom du médicament sur la boite, aberration totale, si l’ordonnance du médecin, pour éviter les confusions, est écrite à l’imprimante), car sa marge est légèrement plus élevée. On incite donc le Pharmacien à prescrire le générique, ce qui n’est pas normal, en le rendant responsable d’erreurs dans la prise des médicaments.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *