Médiator*et autres, faut-il remonter au péché originel, l’AMM

Le Médiator continue à occuper une grande place dans les média, j’en ai déjà parlé, mais il me parait utile de revenir sur certains aspects.

Les malades à qui les médecins ont prescrit du Médiator en dehors de l’indication officielle qui, en fin de son parcours était la suivante : « adjuvant du régime adapté chez le diabétique avec surcharge pondérale », selon les termes du RCP du Médiator*, peuvent naturellement leur en vouloir et considérer qu’ils ont fait une faute professionnelle.

Sans chercher à défendre ces médecins, il  faut rappeler que le parcours du Médiator a été  un peu tortueux, ses indications ont varié au cours du temps, ne facilitant pas le travail des médecins, en voici 3 exemples pris dans les RCP du Médiator* dans le Dictionnaire Vidal des années 1979 et 1995

Indications en 1979 :

  • les hyperlipidémies-hypercholestérolémie (diminution hautement significative de 15 à 25 %)-hypertriglycéridémie (diminution hautement significative de 33 à 55 %)-hyperlipidémies mixtes. Dans les hypertriglycéridémies glucido-dépendantes, modèle type des interrelations lipido-glucidiques, Médiator détermine une véritable épuration plasmatique.
  • Le diabète − dans le diabète patent en association aux traitements classiques (régime avec ou sans hypoglycémiant) médiator est un traitement d’appoint important, en améliorant les troubles lipidiques fréquemment associés, en participant à l’équilibration du diabète (diminution hautement significative des chiffres glycémiques élevés allant, selon les taux initiaux, de 12 à 28 % pour la glycémie à jeun, de 16 à 24 % pour la glycémie postprandiale) − dans le diabète asymptomatique pour lequel aucune thérapeutique n’est pleinement satisfaisante, son action est démonstrative et confirmée en double aveugle (amélioration statistiquement supérieure avec le régime plus médiator au régime plus placebo)
  • l’athérosclérose, potentielle ou avérée : médiator s’oppose à l’extension ou à l’aggravation du processus athérogène en luttant contre les principaux facteurs de risque : troubles du métabolisme des liquides et des glucides mais aussi hyperuricémie, hypertension artérielle, anxiété, vasoconstriction due aux catécholamines. »

Indications en 1995

  • « Adjuvant du régime adapté dans les hypertriglycéridémies. La poursuite du régime est toujours indispensable.
  • Adjuvant du régime dans le diabète asymptomatique avec surcharge pondérale.

Remarque : l’efficacité pour la prévention primaire et secondaire des complications de l’athérosclérose n’est pas prouvée.

Indication en 2009

  • « Adjuvant du régime adapté chez le diabétique avec surcharge pondérale ».

On est donc parti d’indications extrêmement larges, le Médiator pouvait être prescrit pratiquement à toute personne qui ne présentait pas les 2 contre-indications suivantes, les pancréatites chroniques avérées et la grossesse, pour aboutir, 35 ans après, à une pseudo- indication beaucoup plus restreinte et floue, « adjuvant » et anodine. La surcharge pondérale qui aurait dû être sa première et unique indication est arrivée subrepticement en cours de route! Les différents énoncés des indications du Médiator ont reçu l’aval de l’Afssaps sans que les raisons des changements intervenus aient été expliquées. La réduction des indications  et l’augmentation des précautions d’emploi d’un médicament « douteux » se font à bas bruit, laissant le champ libre au laboratoire pharmaceutique pour continuer à le promouvoir et plaçant la responsabilité des ennuis à venir sur le dos des médecins qui n’auront pas suivi à la lettre les « nouvelles » données des Agences, souvent peu claires et parfois contradictoires.  

Que le laboratoire Servier ait poussé à la prescription du Médiator, c’est vraissemblable, mais il a agi de concert avec l’Afssaps, c’est-à-dire l’autorité politique. Si le Médiator avait été initialement commercialisé avec l’indication surcharge pondérale, les choses auraient été beaucoup plus claires pour tout le monde. C’est l’AMM initiale qui était porteuse des ennuis à venir.

Les exemples récents du Méditor  et de l’Avandia, et d’autres plus anciens, montrent qu’il est difficile de retirer un médicament du commerce si le laboratoire y est réticent. Un faisceau de présomptions de nocivité peut ne pas être suffisant pour obtenir un retrait et quand les preuves s’affirment les dégâts sont parfois importants. Par contre une AMM peut être obtenue sans qu’un rapport global bénéfice risque positif, mesuré sur des critères solides, ne soit clairement démontré, comme le confirme les discordances entre AMM et ASMR. Les conditions essentielles pour obtenir une AMM sont de se plier au cérémonial et de fournir de volumineux documents. Il y a discordance entre l’AMM relativement facile à obtenir et le retrait nécessitant généralement une bataille ; une plus grande rigueur dans l’octroi des AMM est nécessaire. 

La commercialisation incessante de nouveaux médicaments d’intérêt discutable, de vieux médicaments affublés de noms de fantaisie, la création de catégories inutiles comme les médicaments de prescription médicale facultative, la multiplicité des génériques parfois déguisés, tout ceci venant s’ajouter à la complexité réelle et inévitable des choses, saturent les médecins qui se mettent hors circuit, et détournent l’industrie pharmaceutique de son objectif principal qui est de trouver des médicaments véritablement efficaces. Un médecin normal ne peut pas ingurgiter toutes les subtilités, les variantes, les « nouveautés », parfois les contradictions produites par l’Afssaps, il y en a trop.  L’industrie pharmaceutique de son côté sait qu’il est plus rentable de « génériquer », de commercialiser de vieux médicaments comme des nouveautés, de sortir à force d’artifices et de dépenses considérables de nouveaux médicaments  qu’elle sait dépourvus d’intérêt thérapeutique réel, de forcer sur la publicité, plutôt que de s’évertuer à chercher des médicaments apportant un progrès véritable.

C’est au pouvoir politique, au plus haut niveau, en France et à l’étranger, de donner l’exemple de la rigueur en s’appuyant plus sur le bon sens que sur la science d’une  multitude  d’experts, de commissions, d’autorités même si elles sont hautes.

Testez votre ignorance, connaissez-vous ces médicaments nouveaux   Profémigr, Tévalgiespray, Nurofenfem, Onsenal

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