Auteur : Pierre Allain

Stimulants de la vigilance et anorexigènes

Il s’agit de stimulants de la vigilance qui favorisent l’éveil sans améliorer l’humeur dépressive.

Amphétamine

L’amphétamine augmente la libération et inhibe la recapture de noradrénaline et surtout de dopamine, peut-être aussi de sérotonine.

Elle a des effets périphériques indiscutables, mais ce sont ses effets centraux qui prédominent. A doses moyennes et élevées, elle stimule la vigilance, diminue les besoins de sommeil et la fatigue, réduit l’appétit (effet anorexigène). Elle a été utilisée en thérapeutique comme stimulant de la vigilance et anorexigène. Elle a été retirée du marché en raison de ses effets indésirables cardiovasculaires et neuropsychiatriques et surtout du risque de dépendance.

L’amphétamine et des dérivés très proches tels que la méthamphétamine (« ice »), la méthylène dioxy-amphétamine (MDA), la méthylène dioxyméthamphétamine (MDMA ou « ecstasy »), la cathinone (présente dans le Khat), sont utilisés par les drogués en prises buccales ou en injections intraveineuses rapides. Les amphétaminiques, utilisés à doses élevées ou répétées en cas de dépendance, peuvent entraîner de véritables états psychotiques (délire de persécution, comportement stéréotypé, autisme) avec absence de sommeil et amaigrissement. Certaines personnes ayant consommé des amphétaminiques ou d’autres drogues peuvent éprouver, en l’absence de nouvelle prise, des manifestations rappelant celles qu’elles avaient lors de la prise. Ces manifestations sont appelées « flashback ».

Anorexigènes amphétaminiques

L’amphétamine n’est plus utilisée en thérapeutique en France. Elle a longtemps été présente dans une spécialité pharmaceutique destinée au traitement de l’épilepsie, où elle était associée au phénobarbital en vue de réduire l’effet sédatif de ce dernier. Certains des dérivés de l’amphétamine, classés parmi les anorexigènes amphétaminiques, l’ont été jusqu’à une date récente. Il s’agit de l’amfépramone, du clobenzorex, du méfénorex et du fenproporex. Ces produits réduisent l’appétit et étaient utilisés dans le traitement de l’obésité.

Les principaux effets indésirables de ces anorexigènes étaient une excitation neuropsychique avec nervosité et insomnie, des palpitations, une tachycardie. Comme il s’agit de produits amphétaminiques, une dépendance était possible et une tendance dépressive pouvait s’observer à leur arrêt.

Une étude épidémiologique a montré que des anorexigènes de type amphétaminique – ainsi que la fenfluramine qui a des propriétés sérotoninomimétiques – pouvaient, surtout en utilisation prolongée, provoquer une hypertension artérielle pulmonaire, effet indésirable rare mais grave, ainsi qu’une atteinte des valvules cardiaques. En raison de ces risques, la durée de leur prescription a été réduite à moins de trois mois avant qu’ils soient retirés du commerce.

Sibutramine

La sibutramine est un inhibiteur de la recapture des monoamines noradrénaline, sérotonine et dopamine. Elle n’a pas fait la preuve de son efficacité comme antidépresseur mais s’est révélée avoir un effet anorexigène facilitant la perte de poids. Outre son effet anorexigène, la sibutramine augmente la thermogenèse et le catabolisme des acides gras, peut-être par stimulation des récepteurs adrénergiques bêta-3. La sibutramine est elle-même active mais son activité résulte principalement de celle de 2 de ses métabolites provenant de 2 déméthylations successives sous l’effet du cytochrome P450, le CYP3A4.

Biotransformations de la sibutramine en métabolites actifs sous l’influence du cytochrome P450, le CYP3A4

Les effets indésirables les plus fréquents de la sibutramine sont insomnie, constipation . , sécheresse de la bouche, céphalées, tachycardie, palpitations, hypertension. Chez la femme en âge de procréer une contraception est nécessaire avant prescription d’un traitement par la sibutramine.

La sibutramine a été commercialisée en France sous le nom de SIBUTRAL* qui a été retiré du commerce en 2010 dans la plupart des pays en raison du risque majoré d’accidents cardiovasculaires.

Lisdexamfétamine

La lisdexamfétamine résulte de la combinaison d’une molécule d’amphétamine et d’une molécule de lysine. La lisdexamfétamine a obtenu son autorisation de mise sur le marché aux États-Unis en 2007 dans l’indication traitement des états d’hyperactivité avec déficit d’attention.

La lisdexamfétamine est une prodrogue inactive qui, après prise par voie orale, est hydrolysée (flèche rouge du schéma) au niveau de l’intestin et lors du passage hépatique en d-amphétamine, la molécule active, et en lysine. L’intérêt de la lisdexamfétamine par rapport aux préparations à libération prolongée d’amphétamine ne saute pas aux yeux. Son avantage présumé serait de n’être pas active lorsqu’elle est injectée ou inhalée.

En France, aucune forme d’amphétamine (à libération immédiate ou prolongée) n’est plus commercialisée.

Les deux médicaments les plus utilisés dans le traitement des troubles de l’attention avec hyperactivité sont le méthylphénidate , Ritaline*, Concerta*, et l’ atomoxétine , Strattera*.

Autres stimulants

Le méthylphénidate est utilisé surtout aux U.S.A. dans une indication paradoxale, les états d’hyper-activité avec manque d’attention de l’enfant. Le méthylphénidate inhibe la recapture de noradrénaline et surtout de dopamine dont la concentration extracellulaire s’élève.

Le méthylphénidate est déméthylé en acide ritalinique que l’on trouve dans l’urine

Méthylphénidate

RITALINE* Cp10 mg
CONCERTA* LP Cp 18, 36 et 54 mg

Ses principaux effets indésirables sont : irritabilité, insomnie, diminution de l’appétit, apparition de mouvements stéréotypés et, exceptionnellement, délire et hallucinations.

Le méthylphénidate fait l’objet d’un usage illicite, surtout aux USA.

La pémoline et la fénozolone sont des dérivés amphétaminiques qui ont été commercialisés comme psychostimulants.

Cocaïne

Elle inhibe la recapture des catécholamines, dopamine et noradrénaline. Elle possède en outre la propriété d’être anesthésique locale mais n’est pas utilisée en thérapeutique. La cocaïne est utilisée en tant que drogue en prise buccale, nasale, pulmonaire ou intraveineuse. La forme cocaïne base, appelée « crack » ou « rock », qui est « fumée » est aussi efficace ou toxique que la forme administrée par voie intraveineuse. L’intensité des effets psychiques dépend de la vitesse d’augmentation de sa concentration cérébrale. En administration rapide, elle entraîne un état d’euphorie intense et de courte durée suivie d’un état dysphorique qui pousse à répéter les prises plusieurs fois par jour. Son action ressemble à celle de l’amphétamine mais est de beaucoup plus courte durée, une demi-heure au lieu de dix heures environ.

L’utilisation chronique de cocaïne, comme celle d’amphétamine, entraîne des réactions de type psychotique – délire de persécution, comportement stéréotypé et autistique avec perte de la notion de responsabilité  – et par ailleurs, une augmentation des accidents cardiovasculaires avec athérosclérose prématurée.

Les effets toxiques immédiats sont la tachycardie, les arythmies ventriculaires, les douleurs thoraciques, l’infarctus du myocarde, l’hypertension artérielle, l’hyperthermie et des convulsions.

La dépendance psychique à la cocaïne est très forte chez l’homme et l’animal. Si ce dernier a le choix entre une eau de boisson normale et une autre contenant de la cocaïne, il consomme la deuxième jusqu’à en mourir.

La cocaïne est métabolisée essentiellement en benzoylecgonine qui peut être détectée dans les urines pendant deux ou trois jours après une prise unique.

En cas de prise concomitante de cocaïne et d’alcool à doses importantes, la benzoylecgonine est éthylée dans l’organisme pour donner l’ester éthylique de la benzoylecgonine, appelé cocaéthylène, qui a des propriétés semblables à celles de la cocaïne.

Remarques

  1. La CART (cocaine and amphetamine regulated transcrit) correspond au RNA messager et au peptide correspondant induits par l’administration de cocaïne ou d’amphétamine. Ce RNA messager conduit à la synthèse d’une prépro-protéine qui par hydrolyses donne des polypeptides de plus petit poids moléculaire qui réduisent la prise alimentaire. Les récepteurs de ces polypeptides n’ont pas été caractérisés.
  2. La tyramine augmente la libération de noradrénaline. Elle n’est pas utilisée en thérapeutique mais, en raison de sa présence dans certains fromages, elle a été à l’origine d’accidents hypertensifs chez des malades traités par les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), particulièrement les inhibiteurs non spécifiques et irréversibles. Les IMAO élèvent la teneur des tissus en catécholamines et surtout inhibent l’inactivation de la tyramine elle-même par la MAO. Ainsi, la tyramine libère de très grandes quantités de catécholamines, responsables d’accès hypertensifs qui doivent être traités par les adrénolytiques a1. Ceci explique que les IMAO ne doivent pas être utilisés en même temps que les sympathomimétiques indirects.
  3. La BZP (1-benzylpipérazine) est un stimulant du système nerveux central présentant des effets semblables, mais moins puissants que ceux des amphétamines (environ 10% de la puissance de la D-amphétamine).