Auteur : Pierre Allain

Benzodiazépines

La structure chimique «benzodiazépine» est commune à un très grand nombre de molécules qui se différencient par la présence de substituants différents :


Une molécule qui n’a pas la structure chimique benzodiazépine peut en avoir les propriétés, agir sur les mêmes récepteurs et être ainsi assimilée, quant à ses effets, à une benzodiazépine.

La plupart des benzodiazépines sont des agonistes qui favorisent l’ouverture du canal Cl par le GABA et ont donc un effet inhibiteur. Elle agissent en augmentant la fréquence d’ouverture du canal. Certaines benzodiazépines, non utilisées en thérapeutique, favorisent sa fermeture et sont appelées agonistes inverses. D’autres benzodiazépines peuvent se fixer sur les récepteurs sans les activer et sont antagonistes des précédentes.

Les recherches actuelles laissent supposer l’existence de médiateurs endogènes ayant des propriétés agonistes, antagonistes ou agonistes inverses des récepteurs aux benzodiazépines.

Les BZD qui favorisent l’ouverture du canal Cl ont des propriétés pharmacologiques communes : elles sont anxiolytiques, hypnotiques, anticonvulsivantes, myorelaxantes et peuvent avoir un effet amnésiant. Par conséquent, elles ont potentiellement les mêmes indications et les mêmes effets indésirables. Il existe cependant entre les diverses BZD des différences :

  1. pharmacodynamiques : certaines molécules ont un effet dominant, par exemple un effet anticonvulsivant relativement plus important que les autres effets, sans que l’on en connaisse précisément l’explication.
  2. pharmacocinétiques : la rapidité et la durée d’action expliquent beaucoup des différences entre molécules et leurs indications préférentielles.

Classification en fonction des indications

Les benzodiazépines sont utilisées pour leurs propriétés anxiolytiques, hypnotiques et antiépileptiques.

Benzodiazépines anxiolytiques

La première benzodiazépine introduite en thérapeutique en 1960 a été le chlordiazépoxide, sous le nom de LIBRIUM*. Ses propriétés anxiolytiques, appelées alors tranquillisantes, ont été bien mises en évidence chez l’animal et chez l’homme.

Chez l’animal, les BZD étudiées sur différents tests diminuent l’agressivité, l’inhibition vis-à-vis d’un environnement nouveau (exploration) ou hostile (punition), les réactions physiologiques au stress (défécation émotionnelle).

Chez l’homme, les effets anxiolytiques des BZD sont clairement démontrés. Cependant, la physiopathologie de l’anxiété est mal connue et il n’est pas prouvé qu’elle résulte d’un dysfonctionnement du système GABA-ergique. Les anxiolytiques doivent être considérés comme des médicaments symptomatiques, utilisés pour soulager le malade et favoriser son adaptation à une situation difficile. Les benzodiazépines utilisées comme anxiolytiques sont indiquées ci-après.

Diazépam

VALIUM* Cp 2, 5 et 10 mg, Sol buv, Inj

Bromazépam

LEXOMIL* comprimé – baguette à 6 mg

Nordazépam

NORDAZ* Cp 7,5 et 15 mg

Oxazépam

SÉRESTA* Cp 10 et 50 mg

Clorazépate

TRANXENE* Cp 5, 10 et 50 mg, Inj

Clobazam

URBANYL* gél 5 mg, Cp 10 et 20 mg

Clotiazépam

VÉRATRAN* Cp 5 et 10 mg

Alprazolam

XANAX* Cp 0,25, 0,5 et 1 mg

Loflazépate

VICTAN* Cp 2 mg

Prazépam

LYSANXIA* Cp 10 et 40 mg, Sol buv

Lorazépam

TÉMESTA* Cp 1 et 2,5 mg

Les BZD anxiolytiques ont une demi-vie longue et sont, en outre, transformées en métabolites actifs ayant aussi une demi-vie longue, ce qui explique la longue durée de leurs effets.

Remarque : autres anxiolytiques

Il existe des anxiolytiques n’ayant pas une structure chimique de type benzodiazépine, parfois appelés tranquillisants, qui étaient commercialisés avant l’introduction des benzodiazépines en thérapeutique et dont le mécanisme d’action est mal connu. Il s’agit notamment du méprobamate, du captodiame et de l’hydroxyzine.

  • Le méprobamate a été introduit en thérapeutique en 1955. Il a des propriétés anxiolytiques, sédatives et myorelaxantes, mais son mécanisme d’action est mal connu car il n’est pas très spécifique. En effet, pour obtenir un effet anxiolytique, il faut utiliser des doses très élevées, 400 mg par comprimé, alors qu’un comprimé d’alprazolam est dosé à 0,25 mg. Les principaux inconvénients du méprobamate sont d’être inducteur enzymatique et de donner, lors des surdosages, des intoxications graves avec coma prolongé, contre lesquelles on ne dispose pas d’antidote. L’arrêt de commercialisation en France du méprobamate, Equanil*, est prévue début 2012.

  • Le captodiame a des propriétés sédatives et antispasmodiques.

    Captodiame

    COVATINE* Cp 50 mg

  • L’hydroxyzine a de nombreuses propriétés pharmacologiques. Il est sédatif, anxiolytique, antihistaminique H1, anesthésique local, antispasmodique et atropinique (risque de glaucome etc)

    Hydroxyzine

    ATARAX* Cp 25 et 100 mg, Sirop, Inj

  • La buspirone, anxiolytique à impact sérotoninergique, a été commercialisée ces dernières années et pourrait être le chef de file d’une nouvelle classe d’anxiolytiques, sans effet GABAergique (Voir « Sérotonine, sérotoninomimétiques, antagonistes »).

Benzodiazépines hypnotiques

L’effet sédatif des benzodiazépines est reconnu, elles favorisent l’endormissement et en général prolongent la durée du sommeil. Lors d’une utilisation prolongée, leur effet hypnotique s’atténue mais ne semble pas disparaître comme celui des barbituriques. La qualité du sommeil obtenue sous BZD, sur le plan électroencéphalographique, est proche du sommeil naturel. Cette caractéristique ne doit pas servir d’argument pour élargir leur prescription, car une utilisation prolongée entraîne une dépendance rendant leur arrêt difficile. De plus, la qualité d’un hypnotique ne se juge pas seulement sur le sommeil, mais surtout sur l’éveil : état du sujet au réveil et durant la journée, somnolence ou non etc., et sur la possibilité d’effets indésirables dus à l’hypnotique.

D.C.I.

D.C.

T1/2

Nitrazépam

MOGADON* Cp 5 mg

25 h

Lormétazépam

NOCTAMIDE* Cp 1et 2 mg

10 h

Flunitrazépam

ROHYPNOL* Cp 1 mg

20 h

Témazépam

NORMISON* 10 et 20 mg

8 h

Loprazolam

HAVLANE* Cp 1 mg

8 h

Estazolam

NUCTALON* Cp 2 mg

17 h

Sur le plan pharmacocinétique, les dernières BZD utilisées comme hypnotiques ont un effet qui apparaît rapidement et dure moins de huit heures. Parmi les benzodiazépines hypnotiques, le triazolam est celui qui a l’effet le plus rapide et a le plus souvent été à l’origine d’effets indésirables de type amnésie-désinhibition-automatisme. Le triazolam, Halcion*, n’est plus commercialisé en France.

Deux médicaments, largement utilisés comme hypnotiques, ont une action benzodiazépinique sans en avoir la structure chimique. Ce sont la zopiclone et le zolpidem.

D.C.I.

D.C.

T1/2

Zopiclone

IMOVANE* Cp 3,75, 7,5 mg

6 h

Zolpidem

STILNOX* Cp 10 mg

3 h

Leszopiclone est l’enantiomère S du racémique zopiclone. Il est commercialisé dans certains pays sous le nom de LUNESTA*

Le zaleplon, a aussi des propriétés de type benzodiazépine sans en avoir la structure chimique et est utilisé comme hypnotique. Il est commercialisé dans divers pays, le plus souvent sous le nom de SONATA*.

Benzodiazépines antiépileptiques

Le clonazépam est une benzodiazépine et en a les propriétés générales, avec un effet anticonvulsivant prédominant. Il est utilisé par voie buccale dans le traitement de certaines épilepsies rebelles aux autres médicaments et dans celui des encéphalopathies épileptiques de l’enfant, désignées le plus souvent sous les termes de syndrome de Lennox-Gastaut et syndrome de West. Il est utilisé par voie injectable dans le traitement des états de mal convulsif.

Clonazépam

RIVOTRIL* Cp 0,5 et 2 mg, Sol buv, Inj

Le diazépam injectable est également utilisé dans le traitement des états de mal épileptique.

Benzodiazépines anesthésiques

Le midazolam est une benzodiazépine indiquée comme inducteur de la narcose en anesthésie générale. Son effet amnésiant est utile dans cette indication. Contrairement au diazépam qui peut être utilisé dans la même indication, le midazolam est soluble dans l’eau. Sa caractéristique essentielle est d’avoir un effet instantané et de courte durée.

Midazolam

HYPNOVEL* Sol inj ou rectale

Le midazolam peut entraîner une apnée, à traiter par ventilation artificielle suivie ou non de l’administration de flumazénil.

Il faut souligner que les benzodiazépines anxiolytiques aussi sont souvent prescrites avant les interventions chirurgicales.

Caractéristiques pharmacocinétiques

D’une manière générale les benzodiazépines utilisées comme anxiolytiques ont une durée d’action et une demi-vie (eux-mêmes et leurs métaboliques actifs) plus longue que les benzodiazépines utilisées comme hypnotiques. Les benzodiazépines utilisées en anesthésiologie comme le midazolam ont une demi-vie courte, de l’ordre de 2 à 3 heures.

Le métabolisme des benzodiazépines anxiolytiques est caractérisé par l’existence de nombreux métabolites actifs, notamment le desméthyl diazépam et l’oxazépam.

Effets indésirables

Dans l’ensemble, les benzodiazépines sont des médicaments actifs et bien tolérés, surtout lorsqu’elles sont utilisées à bon escient.

En début de traitement par les benzodiazépines à effet rapide, comme les hypnotiques et plus particulièrement le triazolam, surtout à posologie élevée comme celle qui était utilisée auparavant, il peut apparaître des effets particuliers incluant un comportement de type automatique, avec souvent une désinhibition conduisant à des actes inattendus et une amnésie antérograde. Cet effet indésirable s’explique par le fait que les BZD laissent fonctionner la mémoire à court terme mais empêchent la mémorisation à long terme. Comme sa mémoire à court terme fonctionne, le sujet s’adapte à la situation, répond, agit etc., mais il ne garde aucun souvenir de cette activité automatique. Cette triade automatisme/désinhibition/amnésie est déclenchée le plus souvent lors d’un réveil imprévu, peu de temps après la prise de la benzodiazépine hypnotique.

Effets des BZD sur la mémorisation

Lors des prises répétées, surtout à doses élevées, une somnolence avec possibilité de dégradation des performances psychomotrices (incoordination motrice pouvant favoriser les chutes) et une certaine anesthésie émotionnelle ont été décrites.

Dans certaines conditions et chez certains malades, les benzodiazépines peuvent induire des réactions paradoxales : irritabilité, agressivité, excitation, confusion, hallucinations, rappelant les effets de type agoniste inverse.

Une dépendance aux benzodiazépines peut apparaître à l’arrêt d’une prise de longue durée et à posologie élevée. Cette dépendance se manifeste par un rebond d’insomnie, avec anxiété, agitation, myalgies, tremblements, distorsions sensorielles et même convulsions.

Par ailleurs, compte tenu de leurs propriétés pharmacologiques, les benzodiazépines peuvent donner une hypotonie musculaire et des difficultés respiratoires. Elles ne doivent pas être administrées aux sujets présentant une déficience respiratoire.

Les benzodiazépines, même si elles atténuent certains symptômes observés au cours des états dépressifs, ne sont pas des antidépresseurs et ne doivent pas être prescrits seuls pour traiter un état dépressif.

Les benzodiazépines ne sont pas inducteurs enzymatiques mais potentialisent les effets de l’alcool. Par contre, l’intensité de leurs effets serait moindre chez les fumeurs et peut-être chez les consommateurs de café.

Remarque

Les agonistes inverses favorisent la fermeture du canal Cl. Ils ne sont pas utilisés pour le moment en thérapeutique. Certains dérivés pourraient l’être pour leur effet promnésiant (qui favorise la mémoire), si on arrivait à privilégier cette propriété par rapport aux autres.

Antagonistes des benzodiazépines

L’antagoniste des benzodiazépines utilisé en thérapeutique est le flumazénil. Chimiquement, c’est une benzodiazépine. Le flumazénil a beaucoup d’affinité pour les récepteurs aux benzodiazépines, avec peu ou pas d’effet propre aux doses utilisées. Il inhibe d’une manière compétitive les effets des benzodiazépines utilisées comme hypnotiques et anxiolytiques.

Le flumazénil est administré par voie intraveineuse, sa demi-vie plasmatique est d’environ une heure, ce qui explique sa courte durée d’action.

Ses indications sont les suivantes :

  1. En soins intensifs :
    • le diagnostic différentiel des états comateux d’origine inconnue pour révéler ceux qui proviennent d’une intoxication par benzodiazépines.
    • le traitement des intoxications par benzodiazépines.
  2. En anesthésiologie :
    • l’interruption d’une anesthésie générale induite et maintenue par une benzodiazépine,
    • l’interruption d’une sédation induite par une benzodiazépine utilisée lors de brèves interventions.
  3. Le traitement de l’encéphalopathie hépatique où des substances endogènes anormales se comporteraient comme des agonistes de type benzodiazépine.

Le flumazénil n’antagonise les effets des benzodiazépines que pendant une courte durée. Il est donc souvent nécessaire de le réadministrer à plusieurs reprises pour maintenir son effet car celui des benzodiazépines est beaucoup plus long.

Flumazénil

ANEXATE* Inj