Auteur : Pierre Allain

Antiarythmiques classe I

Les médicaments destinés à prévenir ou à traiter les troubles du rythme cardiaque s’appellent antiarythmiques. Les troubles du rythme cardiaque constituent un ensemble de symptômes cliniques et électrocardiographiques d’une très grande complexité, relevant d’une physiopathologie elle-même complexe. Les antiarythmiques sont classés selon leur mode d’action en quatre classes : la classe I comprend les médicaments qui diminuent la vitesse de conduction et dont le point d’impact essentiel est le canal sodique, la classe II comprend les ß-bloqueurs, la classe III, les médicaments qui prolongent la durée du potentiel d’action principalement en ralentissant la sortie de potassium et la classe IV, les inhibiteurs calciques.

La durée du potentiel d’action peut être prolongée par inhibition de la sortie de potassium mais aussi par prolongation de l’entrée de sodium par les canaux sodiques lents. Des anomalies portant sur ces deux mécanismes peuvent être à l’origine d’un syndrome du QT long.

Effets des antiarythmiques de la classe I sur le potentiel d’action cardiaque

Les antiarythmiques de la classe I inhibent l’entrée du sodium par les canaux voltage-dépendants, ralentissent la vitesse de dépolarisation rapide appelée phase 0, ce qui conduit à une diminution de la vitesse de conduction. En fonction de leurs effets sur la vitesse de repolarisation liée le plus souvent à la sortie de potassium, on les subdivise en trois sous-classes Ia, Ib, Ic.

Classe Ia

Les antiarythmiques de la classe Ia, outre leur effet sur les canaux sodiques voltage-dépendants, ralentissent la repolarisation en inhibant la sortie de potassium. Ce sont la quinidine, l’hydroquinidine, le disopyramide.

Quinidine

La quinidine, isomère de la quinine, est utilisée pour ses effets cardiaques.

  1. Effets cardiaques directs et indirects :
    • Directs, liés à son action sur les canaux sodium voltage-dépendants : la quinidine diminue la vitesse de conduction et ralentit la dépolarisation diastolique lente. De plus, elle prolonge le potentiel d’action en inhibant la repolarisation par sortie de potassium, ce qui allonge l’espace QT de l’électrocardiogramme. Elle a un effet inotrope négatif.
    • Indirects : la quinidine possède une action atropinique et, en s’opposant aux effets de l’acétylcholine, elle tend à accélérer le rythme cardiaque et à faciliter la conduction auriculo-ventriculaire.
  2. Effets vasculaires :
    La quinidine entraîne une diminution des résistances périphériques par vasodilatation artériolaire, probable-ment liée à un effet adrénolytique a.
    Elle tend à abaisser la tension artérielle par vasodilatation et par effet inotrope négatif.
  3. Autres actions :
    Par ailleurs la quinidine a un effet antipaludique comme la quinine, antipyrétique, ocytocique, et peut avoir un effet de type curarisant.

Les concentrations thérapeutiques de quinidine considérées comme efficaces dans le traitement des troubles du rythme cardiaque sont comprises entre 1 et 3 mg/L. Il y a interaction entre la quinidine et la digoxine, la quinidine tendant à élever la concentrations de digoxine.

La quinidine est un antiarythmique à large spectre a été largement utilisé à titre curatif et préventif. Ses indications essentielles étaient le traitement des tachycardies supra-ventriculaires. Son utilisation dans le traitement des crampes musculaires qui a été préconisée sans justification convaincante doit être évité en raison du risque d’effets indésirables parfois graves qu’elle entraîne. Elle est utilisée dans le traitement du paludisme. Les principales spécialités à base de quinidine à usage cardiovasculaire ont été abandonnées.

L’hydroquinidine a des propriétés semblables à celles de la quinidine.

 

Hydroquinidine

SÉRÉCOR* Gélules

Disopyramide

Le disopyramide a des propriétés pharmacologiques très proches de celles de la quinidine. Il a également une action atropinique.

 

Disopyramide

RYTHMODAN* Cp, Gélules

Classe Ib

Les médicaments de la classe Ib, outre leur effet sur les canaux sodiques voltage-dépendants, accélèrent la repolarisation cellulaire en favorisant la sortie de potassium, et diminuent la durée du potentiel d’action et la période réfractaire. Ce sont la lidocaïne, la phénytoïne et la mexilétine.

Lidocaïne et Méxilétine

La lidocaïne et la méxilétine agissent sur le potentiel d’action : elles ralentissent, surtout à dose élevée, la dépolarisation diastolique rapide (phase 0) et raccourcissent la durée du potentiel d’action en accélérant la repolarisation.

Elles ont un effet inotrope négatif et un effet vasodilatateur périphérique. Leur action est immédiate et de courte durée.

La concentration thérapeutique de lidocaïne dans le plasma est de l’ordre de 5 mg/L, celle de méxilétine est comprise entre 0,75 et 1,5 mg/L.

 

Lidocaïne

XYLOCARD INTRAVEINEUX* Inj
XYLOCARD 5%*

Méxilétine

MEXITIL* Gélules

Phénytoïne

La phénytoïne a schématiquement les mêmes propriétés que les autres produits de la classe Ib. Elle était utilisée comme antiarythmique sous une forme injectable appelée DILANTIN* mais cette forme est progressivement remplacée par le phosphate de phénytoïne ou fosphénytoïne, commercialisée sous le nom de PRODILANTIN*, qui est hydrolysé dans l’organisme en phénytoïne, produit actif.

 

Fosphénytoïne

PRODILANTIN* Inj

Classe Ic

Les médicaments de la classe Ic inhibent les canaux sodiques voltage-dépendants mais modifient peu la repolarisation et ne changent pas la durée du potentiel d’action. Ce sont la flécaïnide, la propafénone et l’aprindine.

Flécaïnide

Le flécaïnide diminue la vitesse de dépolarisation (phase 0), mais ne modifie pas la durée du potentiel d’action car elle est sans effet sur les canaux potassiques.

 

Flécaïnide

FLÉCAÏNE* Cp, Inj

Propafénone

La propafénone diminue la vitesse de dépolarisation (phase 0) ainsi que celle de la dépolarisation diastolique lente. Elle a une faible activité ß-bloquante qui ne se manifeste que lors des surdosages.

 

Propafénone

RYTHMOL* Cp

Cibenzoline

La cibenzoline est habituellement rattachée à la classe Ic des antiarythmiques mais possède certaines propriétés des antiarythmiques des classes III et IV.

 

Cibenzoline

CIPRALAN* Cp, Inj

Remarque

L’ibutilide (CORVERT*, usage hospitalier), en augmentant la durée pendant laquelle le canal sodique voltage-dépendant lent peut s’ouvrir, prolonge la durée du potentiel d’action cardiaque. L’entrée du sodium qui se prolonge ralentit la repolarisation due à la sortie de potassium, ce qui fait qu’on le place dans la classe III des antiarythmiques. Il est utilisé dans le traitement du flutter et de la fibrillation auriculaires.
Son principal danger est le déclenchement d’une tachycardie ventriculaire polymorphe par prolongation de l’espace électrocardiographique QT. L’hypokaliémie et l’hypomagnésémie majorent ce risque et doivent être corrigées avant l’administration d’ibutilide.

Effets indésirables

Les antiarythmiques de la classe I ont des effets indésirables communs, liés essentiellement à l’inhibition des canaux sodiques. Ces effets sont plus ou moins marqués en fonction du médicament et en fonction de l’état du malade, en particulier de l’équilibre hydro-électrolytique.

  • Ils peuvent entraîner des troubles de la conduction à tous les niveaux : sinusal, auriculo-ventriculaire et intra-ventriculaire.
    L’effet pro-arythmique ou arythmogène des antiarythmiques, apparaît surtout lorsqu’il existe des troubles hydro-électrolytiques, en particulier une hypokaliémie ou une hypomagnésémie.
    Les antiarythmiques de la classe Ia qui allongent la durée du potentiel d’action peuvent être à l’origine de torsades de pointes qui peuvent se transformer en fibrillation ventriculaire mortelle. Dans certaines études, la mortalité a été plus élevée dans le groupe de malades traités par les antiarythmiques que dans le groupe contrôle sous placebo.
  • Ils ont un effet inotrope négatif et la diminution du débit cardiaque peut parfois entraîner une décompensation hémodynamique.
  • L’inhibition des canaux sodiques, responsable d’une action anesthésique locale, peut se traduire par des troubles digestifs (pesanteur gastrique, gastralgies, nausées, vomissements) avec parfois diarrhée ou constipation.
  • Les antiarythmiques de la classe Ia sont susceptibles de donner des céphalées, des sensations vertigineuses, des troubles visuels (photophobie, diplopie, brouillard visuel), des troubles auditifs (acouphènes, hypoacousie), des tremblements, des myoclonies. Des syndromes extrapyramidaux et des syndromes cérébelleux ont été décrits, des troubles du sommeil également. Avec certains produits, surtout à posologie élevée, un délire et des crises convulsives ont été parfois signalés.
  • Les antiarythmiques de la classe Ia et la cibenzoline qui est parfois classé en Ia car elle peut ralentir la repolarisation, peuvent entraîner chez certains malades des hypoglycémies qui proviendraient d’une stimulation de la sécrétion d’insuline par l’inhibition de la sortie de potassium des cellules b du pancréas.
  • La quinidine et le disopyramide ont une action atropinique et les effets indésirables correspondants.

Remarque : Inhibiteur du courant « if » :

L’ivabradine a un mécanisme d’action particulier : c’est un inhibiteur du courant If, (f pour funny = bizarre) courant sodique et potassique entrant déclenché par l’hyperpolarisation, qui intervient dans la dépolarisation diastolique lente au niveau du nœud sinusal conduisant à la dépolarisation rapide ou phase 0.

L’inhibition de ce courant entraîne un ralentissement cardiaque et l’ivabradine est un médicament bradycardisant comme les bêta-bloquants qui agissent par un mécanisme différent. L’ivabradine n’a pas d’effet inotrope négatif, ni d’effet vasoconstricteur.

L’indication de l’ivabradine est l’angor stable chronique chez des malades en rythme sinusal normal et présentant une contre-indication ou une intolérance aux bêtabloquants. Le lien entre l’inhibition du courant If et l’effet antiangoreux (en dehors du ralentissement cardiaque) n’est pas évident.

Parmi les effets indésirables de l’ivabradine, on peut citer les phosphènes, sensations lumineuses perçues par l’œil et non provoquées par la lumière, et qui résulteraient de l’inhibition du courant Ih des cellules rétiniennes, courant identique au courant If.

 

Ivabradine

PROCORALAN* Cp à 5 et 7,5 mg