Auteur : Pierre Allain

Étude chez l’animal ou étude préclinique

L’étude préclinique évalue l’efficacité et la toxicité du produit avant son éventuelle administration à l’homme.

Évaluation de l’efficacité

Quel que soit le médicament que l’on désire sélectionner, un analgésique, un antibiotique etc., il est nécessaire :

  • de déterminer d’une manière approfondie sa propriété principale
  • de préciser par une étude systématique tout autre effet concomitant éventuel sur les autres appareils : cardio-vasculaire, respiratoire, rénal, etc. Ceci explique qu’une exploration systématique de tous les effets possibles d’un médicament soit nécessaire.

Ces études, qu’il n’est pas possible de citer ici, se font sur l’animal entier, sur des organes isolés, des cellules isolées, des fractions cellulaires isolées, enzymes, récepteurs. Elles précisent les propriétés et les mécanismes d’action des médicaments.

Généralement, des études de pharmacocinétique sont menées parallèlement aux précédentes pour déceler notamment les principaux métabolites du produit étudié.

Évaluation de la toxicité

Toxicité aiguë : D.L. 50

L’étude de la mortalité après une administration unique d’un produit permet de déterminer la dose létale 50, ou DL 50, qui est la dose qui tue 50% des animaux traités dans un temps déterminé, par exemple huit jours. L’étude est faite sur des lots d’animaux, souris, rats… que l’on traite avec différentes doses du produit étudié, administré dans des conditions bien déterminées. On note la mortalité mais aussi toutes les modifications comportementales ou autres qui apparaissent. Il existe des méthodes simplifiées donnant avec un faible nombre d’animaux une valeur approchée de la DL 50. La DL 50 d’un même produit dépend de l’espèce et de la voie d’administration; elle est généralement plus basse (c’est-à-dire que la toxicité est plus grande) par voie parentérale que par voie buccale.

Toxicité chronique

Elle consiste à étudier les conséquences néfastes de l’administration répétée du produit étudié. Le produit est administré quotidiennement, une ou deux fois par jour, pendant une durée plus ou moins longue, trois à six mois, en général, en fonction de la durée d’administration prévue chez l’homme.

L’expérimentation porte sur deux ou trois espèces animales différentes adultes, souris, rats, lapins, recevant chacune généralement trois doses différentes (faible, moyenne, forte) du produit.

Lorsque le médicament est destiné à un usage pédiatrique, une expérimentation complémentaire sur animaux jeunes, âgés par exemple de quelques jours, peut être utile pour déceler une éventuelle toxicité particulière chez l’enfant.

Les signes de toxicité sont recherchés :

  • sur le plan clinique : aspect, poids, prise de nourriture, de boisson, etc.
  • sur le plan biologique : paramètres hématologiques, biochimiques, anatomo-pathologiques.

Il s’agit d’une étude extrêmement coûteuse qui n’est entreprise que lorsque l’on pense que le produit a des chances de devenir un « médicament ».

De plus en plus, les tests in vitro apportent des renseignements sur la toxicité potentielle des substances, mais ils ne sont pas suffisants pour éviter l’expérimentation sur l’animal entier avant l’administration à l’homme.

Toxicité et reproduction

Toute molécule susceptible de devenir un médicament peut être suspectée de modifier l’activité sexuelle, la fertilité et la descendance.

Activité sexuelle et fertilité

Après administration du produit testé au mâle et/ou à la femelle, les modifications de l’activité sexuelle peuvent être décelées en étudiant le déroulement et la fréquence des accouplements et la modification de la fertilité en comptant la fréquence des gestations. Une étude des spermatozoïdes peut également être entreprise.

Effet sur la descendance

Une substance peut avoir des effets toxiques sur la descendance quelque soit le moment de la gestation où elle est administrée à la mère mais plus particulièrement durant la phase d’embryogenèse. On utilise pour caractériser la toxicité d’un médicament ou d’une substance les termes de tératogène, embryotoxique et foetotoxique. Restreint au sens étymologique, une substance est tératogène lorsque, prise par la mère pendant la gestation, elle provoque des malformations visibles dans la descendance, comme l’a fait la thalidomide dans l’espèce humaine. Mais si, par exemple, l’effet toxique se traduit par une surdité, le terme de tératogène peut encore être employé en lui donnant un sens large: toute altération morphologique ou fonctionnelle ou retard de croissance provoqué dans la descendance par la prise d’un médicament par la mère durant la gestation. On tend actuellement à utiliser pour désigner les effets toxiques provoqués durant la période d’embryogenèse (deux premiers mois de la grossesse dans l’espèce humaine) le mot embryotoxique et pour désigner les altérations induites durant la deuxième phase de la grossesse (à partir du début du troisième mois) le terme foetotoxique. Dans ce dernier cas, il peut s’agir, par exemple d’un retard de croissance.

L’activité tératogène d’un produit est mise en évidence par l’apparition d’anomalies morphologiques ou fonctionnelles dans la descendance de femelles traitées pendant la gestation. L’expérimentation de chaque produit étudié se fait sur deux ou trois espèces animales, en administrations répétées pendant en général toute la durée de la gestation et à plusieurs doses. Elle comporte l’examen des animaux à la naissance et éventuellement à plus long terme.

  • Si l’on observe des anomalies importantes ou fréquentes, le produit est contre-indiqué chez la femme enceinte.
  • Si les anomalies ne sont pas plus fréquentes que celles qui surviennent spontanément, le risque tératogène est faible. L’absence d’effet tératogène d’un produit chez deux espèces animales, rat et lapin, est une donnée essentielle qui ne garantit pas cependant son innocuité chez la femme enceinte et le laboratoire pharmaceutique peut, en dépit de cette absence d’effet tératogène d’un médicament chez l’animal, déconseiller son utilisation chez la femme enceinte.

De plus, on peut étudier le retentissement éventuel d’un produit administré à la femelle gestante sur le développement postnatal de sa descendance à la première génération et éventuellement aux suivantes.

Effet périnatal

Les accidents de périnatalité sont des troubles qui surviennent chez le nouveau-né dans la majorité des cas à la suite de la prise d’un médicament par la mère peu avant l’accouchement et de sa diffusion à travers le placenta (il peut s’agir par exemple de somnolence du nouveau-né après la prise d’un sédatif par la mère). Plus rarement on peut observer chez le nouveau-né un syndrome de sevrage consécutif à l’arrêt de l’apport par la mère à travers le placenta d’un médicament ou d’une drogue .

Risque mutagène

Le risque mutagène d’un médicament consiste en l’altération du génome, c’est-à-dire de l’acide désoxyribonucléique ou DNA. Une mutation consiste en un changement dans une séquence des nucléotides d’une partie du génome La mutation peut être silencieuse, c’est-à-dire sans conséquence ou accompagnée de conséquences. Si la mutation touche le génome des cellules germinales, la mutation est transmissible aux générations suivantes.

La recherche de mutations est effectuée dans le cadre de la toxicologie génétique. On utilise en général des tests in vitro sur des souches mutantes, par exemple Salmonella Typhymurium (Test de Ames), et on mesure le nombre de mutations.

Risque cancérigène

Pour savoir si un produit pourrait augmenter le risque d’apparition de cancers, il faut l’administrer quotidiennement pendant une très longue durée, de l’ordre de un à deux ou trois ans, chez la souris ou le rat. L’expérience doit être effectuée sur des animaux des deux sexes.

Cette recherche est surtout importante pour les médicaments utilisés pendant de longues durées. Les anticancéreux eux-mêmes, les immunodépresseurs peuvent favoriser l’apparition de cancers.