Auteur : Pierre Allain

Métabolisme des catécholamines endogènes

Biogenèse

Les étapes de la biogenèse des catécholamines sont résumées dans le tableau ci-joint. Grâce à l’intervention d’enzymes, la phénylalanine est transformée successivement en tyrosine, dihydrophénylalanine (DOPA), dopamine, noradrénaline et adrénaline.

Cette biogenèse est soumise à une régulation neuronale qui s’exerce essentiellement par l’intermédiaire de la tyrosine hydroxylase présente dans le cytoplasme, qui est l’enzyme limitante de la synthèse des catécholamines. La stimulation des neurones augmente l’activité de la tyrosine hydroxylase après sa phosphorylation par des protéines kinases dépendantes de l’AMP cyclique.

L’activité de l’enzyme nécessite la présence de tétrahydrobioptérine, elle-même régénérée par le NADH + H+, nicotinamide adénine dinucléotide réduit. Celui-ci, administré à des malades atteints de la maladie de Parkinson pour compenser la diminution de l’activité de la tyrosine hydroxylase dans le cerveau, apporterait une amélioration de leur état clinique.

Les étapes de la synthèse des catécholamines se déroulent dans des structures cellulaires différentes : la tyrosine pénètre dans le neurone où elle est transformée en dopa puis en dopamine; celle-ci pénètre dans les granules ou vésicules de stockage où elle peut être transformée en noradrénaline sous l’influence de la dopamine-ß-hydroxylase.

Les vésicules de stockage sont plus petites et plus denses que les mitochondries et contiennent de l’adénosine triphosphate ou ATP, des catécholamines (4 molécules de catécholamines pour 1 molécule d’ATP), du calcium et du magnésium, ainsi que des protéines appelées chromogranines. La monoamine oxydase est présente dans les terminaisons adrénergiques, mais en dehors des granules.

Distribution tissulaire

  • La glande médullosurrénale est l’organe le plus riche en catécholamines. Elle contient beaucoup plus d’adrénaline que de noradrénaline.
  • Les fibres postsynaptiques sympathiques synthétisent la noradrénaline, mais pas l’adrénaline. Les tissus à innervation sympathique, comme le cœur et les vaisseaux, contiennent donc de la noradrénaline. Ils peuvent, en outre, fixer les catécholamines circulantes comme l’adrénaline.
  • Le cerveau, riche en noradrénaline et dopamine (système extrapyramidal), contient peu d’adrénaline.

Libération

Comme les autres médiateurs, les catécholamines endogènes ne déterminent leurs effets qu’après leur libération. Sous l’effet de l’influx nerveux, les terminaisons sympathiques libèrent la noradrénaline, la glande médullosurrénale libère l’adrénaline et la noradrénaline. En plus des catécholamines, il y a libération d’ adénosine triphosphate, ATP, et de dopamine ß-hydroxylase ainsi que de peptides tels que le neuropeptide Y. Cette libération s’effectue par exocytose, la vésicule de stockage venant se rompre au contact de la membrane cellulaire.

Comme les récepteurs adrénergiques sont en contact avec des terminaisons sympathiques, on conçoit que la noradrénaline libérée agisse essentiellement sur les organes où elle est libérée et ne passe que secondairement dans la circulation générale, alors que l’adrénaline et la noradrénaline libérées par la glande médullosurrénale passent directement

Concentration plasmatique

La concentration plasmatique d’une substance est la résultante d’une part de sa libération et d’autre part de sa capture par les tissus et de son catabolisme. Dans les conditions de repos couché, les concentrations plasma-tiques de noradrénaline, d’adrénaline et de dopamine sont faibles (moins de 1 microgramme par litre), mais elles peuvent s’élever conditions physiologiques (adaptation) ou pathologiques. Par exemple, lors du passage de la position couchée à la position debout, la concentration de noradrénaline double : elle passe de 0,25-0,5 à 0,5-1 On observe une élévation anormale des catécholamines plasmatiques au cours des phéochromocytomes qui sont des tumeurs de la glande médullosurrénale.

Inactivation

Les catécholamines sont rapidement inactivées par métabolisation par les enzymes catéchol-oxyméthyltransférase (COMT) monoamine oxydase (MAO), ainsi que par recapture neuronale et extraneuronale. Leurs effets physiologiques sont donc fugaces.

Action de la COMT

La COMT, essentiellement extraneuronale, catalyse la méthylation d’un des deux atomes d’oxygène du noyau catéchol. Dans les milieux biologiques, la méthylation s’effectue préférentiellement en position 3 ou méta. Les dérivés monophénol ne sont pas méthylés, ce qui expliquerait, au moins en partie, leur plus longue durée d’action.

Les produits obtenus à partir des catécholamines sous l’influence de la COMT sont la métanéphrine, la normétanéphrine et la 3-méthoxy-4-hydroxy-phényl-éthylamine ou 3-méthoxy-dopamine dont l’élimination urinaire peut augmenter au cours des phéochromocytomes.

Les inhibiteurs de la COMT prolongent et renforcent les effets des catécholamines.

Action de la MAO

La MAO désigne un groupe d’enzymes présentes à l’intérieur des neurones, mais également présentes dans le plasma sanguin, qui catalyse la désamination oxydative des monoamines : adrénaline, noradrénaline, dopamine, sérotonine… Elle catalyse la transformation de l’amine en aldéhyde selon la réaction suivante :

L’eau oxygénée est décomposée par la catalase et la peroxydase. L’aldéhyde R-CHO est ensuite oxydée en acide par l’aldéhyde oxydase, ce qui conduit à l’acide 3-4-dihydroxy-mandélique qui provient de l’adrénaline et de la noradrénaline, et l’acide homoprotocatéchique qui provient de la dopamine. L’aldéhyde peut également être réduit en alcool.

Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) inhibent cette réaction et sous leur influence la teneur des tissus en monoamines s’élève. Les principaux inhibiteurs de la MAO sont utilisés comme antiparkinsoniens et comme antidépresseurs.

Action combinée de ces deux processus enzymatiques

La méthylation, précédant la désamination ou inversement, conduit à l’acide vanylmandélique (VMA), l’acide homovanillique (HVA), mais aussi aux alcools : méthoxy-hydroxy-phényl-glycol (MHPG) et méthoxy-hydroxy-phényl-éthanol (MHPE).

Les catécholamines et leurs métabolites peuvent être conjugués par sulfoconjugaison et glycuroconjugaison.

L’exploration des anomalies du métabolisme des catécholamines, notamment en cas de recherche de phéochromocytome, comporte le dosage des catécholamines et des métanéphrines plasmatiques et urinaires ainsi que celui du VMA et du HVA urinaires.

Recapture

Les catécholamines libérées par les terminaisons adrénergiques sont en grande partie recaptées par les terminaisons adrénergiques elles-mêmes – c’est la recapture intraneuronale ou uptake 1 – et par d’autres tissus – c’est la capture extraneuronale ou uptake 2.

La recapture intraneuronale est assurée par des transporteurs sodium, chlorure-dépendants, spécifiques soit de la noradrénaline soit de la dopamine. Le fonctionnement de ces transporteurs est régulé d’une manière complexe et peut être inhibé par divers médicaments : plusieurs antidépresseurs, la cocaïne, l’amphétamine. L’inhibition de la recapture d’un médiateur tend à augmenter sa concentration dans la fente synaptique.

La capture extraneuronale est surtout mise en évidence au niveau de certains tissus lorsque les concentrations de catécholamines libérées ou administrées sont très élevées. Elle est inhibée par la normétanéphrine et la métanéphrine. Son rôle physiologique semble peu important.

Catabolisme des catécholamines