Auteur : Pierre Allain

Progestérone et Progestatifs

A côté de la progestérone, progestatif endogène physiologique, il existe plusieurs progestatifs de synthèse dont les propriétés ne se superposent pas complètement à celles de la progestérone et qui sont utilisés, surtout en association avec l’éthinylestradiol, comme contraceptifs hormonaux.

Progestérone

La progestérone a une activité progestative, c’est-à-dire qu’elle est capable :

  1. de provoquer la formation de la dentelle utérine par un endomètre préalablement soumis à l’influence des estrogènes
  2. de maintenir la gestation chez une femelle gravide castrée.

La progestérone remplit physiologiquement ces deux conditions, mais tous les progestatifs de synthèse ne le font pas. De plus, certains ont une autre activité hormonale, androgène par exemple, risquant de provoquer une masculinisation du foetus femelle s’ils étaient administrés à la femme enceinte.

Métabolisme

Biosynthèse

La progestérone est synthétisée essentiellement par l’ovaire et, à un moindre degré, par le testicule, les glandes surrénales et le placenta au cours de la deuxième partie de la grossesse. De plus, une synthèse non endocrine de progestérone, au niveau des neurones notamment, est possible.

La synthèse se fait à partir du cholestérol : sous l’influence d’une desmolase, le cholestérol est transformé en prégnénolone qui, sous l’influence d’une déshydrogénase et d’une isomérase, donne la progestérone.

La sécrétion de progestérone n’est pas constante au cours du cycle menstruel : déclenchée par la LH, elle apparaît juste avant l’ovulation et se poursuit au cours de la deuxième partie du cycle. Sa chute à la fin du cycle participe au déclenchement de la menstruation.

S’il y a fécondation, le trophoblaste sécrète l’hormone chorionique qui maintient en fonction le corps jaune sécrétant la progestérone. A partir du troisième mois de la grossesse, le placenta sécrète les estrogènes et la progestérone.

Distribution

Dans le plasma, la progestérone se trouve sous forme libre ainsi que sous forme liée à l’albumine, à une glycoprotéine et également à la transcortine. Sa demi-vie est d’environ 30 minutes. Chez la femme sa concentration pendant la phase folliculaire est faible, du même ordre de grandeur que celle que l’on trouve chez l’homme, mais elle s’élève considérablement pendant la phase lutéale.

Dans les tissus, la progestérone, molécule lipophile, se fixe dans les graisses d’où une libération progressive peut se faire.

Catabolisme

Le catabolisme de la progestérone s’effectue essentiellement dans le foie où, sous l’influence de plusieurs enzymes, elle est transformée successivement en prégnanedione, prégnanolone et enfin prégnanediol.

La progestérone est elle-même un intermédiaire métabolique pouvant conduire à la testostérone, l’aldostérone, le cortisol.

Effets

La progestérone agit sur des récepteurs nucléaires et modifie la transcription des gènes cibles.

  1. Action progestative
    La fonction essentielle de la progestérone est de préparer l’utérus à la nidation puis au maintien de la gestation.
    • Au niveau de l’endomètre, elle entraîne un arrêt des mitoses provoquées par les estrogènes et l’apparition d’un aspect sécrétoire, dit « de dentelle utérine », avec vacuoles remplies de glycogène. L’endomètre est de loin le tissu le plus riche en récepteurs à la progestérone.
    • Au niveau du myomètre, elle a une action antagoniste vis-à-vis des estrogènes se traduisant par une diminution de la contractilité utérine.
    • Au niveau du col utérin, elle supprime la glaire cervicale induite par les estrogènes.
    • Au niveau des trompes, elle pourrait ralentir le transit de l’oeuf.
    • Au niveau des seins, elle agit en synergie avec les estrogènes et les hormones hypophysaires pour induire le développement des acini et inhiber, après une stimulation transitoire, les mitoses épithéliales provoquées par les estrogènes.
  2. Régulation de la sécrétion hypophysaire 
    La progestérone inhibe la sécrétion des gonadostimulines hypophysaires, mais les progestatifs de synthèse sont beaucoup plus efficaces qu’elle. Ils réduisent en réalité la fréquence des pics de la sécrétion et augmentent leur amplitude.
  3. Action androgène et anti-androgène
    La progestérone a une très faible activité androgène et anti-androgène qui peut être mise en évidence à doses très élevées. Administrée à forte dose chez le rat mâle castré, elle peut augmenter le poids de la prostate, action androgène, mais, administrée en même temps que la testostérone, elle réduit l’effet de cette dernière.
  4. Action anti-estrogène
    La progestérone agit par induction de la 17 a-hydroxydéhydrogénase qui accélère le catabolisme de l’estradiol en estrone et d’autre part par induction de l’estrogène sulfotransférase.
  5. Implantation du blastocyte
    Il semble que l’expression de LIF (leukemia inhibitory factor), cytokine pléiotropique, par l’endomètre soit sous la dépendance de la progestérone. Or, LIF paraît jouer un rôle essentiel dans la différenciation et l’implantation du blastocyte (l’oeuf fécondé se divise et forme une couronne de cellules entourant une cavité centrale, c’est le blastocyte). Sa déficience pourrait être à l’origine de certaines stérilités.
  6. Autres effets :
    • Un effet hyperthermisant responsable de l’augmentation de la température d’environ 0,5° au cours de la deuxième partie du cycle menstruel.
    • Une action anti-minéralocorticoïde en inhibant les récepteurs à l’aldostérone, ce qui entraîne une diminution du sodium plasmatique par augmentation de son élimination urinaire.
    • Une action sédative en potentialisant l’effet du GABA sur le canal GABAA.
    • Probablement une action stimulante de la synthèse de myéline.

Progestatifs de synthèse

Les progestatifs de synthèse se différencient de la progestérone par plusieurs modifications chimiques. On distingue les dérivés de la 17-a-hydroxyprogestérone, de la 19-norprogestérone et de la 19-nortestostérone. Le terme « nor » est utilisé lorsqu’il n’y a pas de substituant méthyl, dans le cas présent en position 19.

Les principaux produits utilisés en thérapeutique sont la médrogestone, la chlormadinone, la médroxyprogestérone, la cyprotérone, le nomégestrol, la démégestone, la promégestone, la noréthistérone, le lynestrénol, l’éthynodiol, la norgestriénone, le lévonorgestrel.

Ils ont des effets progestatifs ou lutéomimétiques, se traduisant au niveau de l’endomètre par l’apparition d’un aspect sécrétoire en « dentelle utérine », et sont généralement susceptibles de maintenir la gestation. Pourtant ils ne doivent pas être prescrits comme progestatifs car ils n’ont pas les mêmes propriétés progestatives que la progestérone et peuvent avoir, en outre, des effets androgènes ou anti-androgènes et certains, des effets anti-estrogènes.

Les progestatifs de synthèse n’ayant pas de propriétés androgènes sont le désogestrel, le gestodène et le norgestimate.

Ils inhibent l’ovulation, essentiellement par action antigonadotrope. Ils diminuent la migration des spermatozoïdes dans la glaire cervicale. Ils sont utilisés comme contraceptifs.

Utilisation de la progestérone et des progestatifs

Progestérone

L’indication de la progestérone elle-même est l’insuffisance de sa sécrétion, y compris au cours de la grossesse.

En période d’activité génitale, cette insuffisance, réelle ou relative par rapport à la sécrétion estrogénique, n’entraîne pas de symptômes cliniques spécifiques mais des saignements utérins, des dysménorrhées, et doit donc être confirmée par des dosages hormonaux.

Une déficience en progestérone est rarement à l’origine des avortements spontanés qui ont de très nombreuses causes. Si, après un bilan hormonal, on décide un traitement substitutif au cours des trois premiers mois de la grossesse, c’est la progestérone elle-même, ou éventuellement son métabolite la 17-a-hydroxyprogestérone, qui sont utilisés.

Après la ménopause, la progestérone elle-même est souvent utilisée en traitement substitutif.

 

Progestérone

UTROGESTAN* Capsules
PROGESTOGEL* Gel (sein)

Hydroxy- progestérone

PROGESTÉRONE-RETARD Pharlon* Inj

La dydrogestérone se différencie chimiquement de la progestérone par l’existence d’une double liaison supplémentaire. Ses propriétés sont proches de celles de la progestérone mais il semble préférable d’utiliser chez la femme enceinte la progestérone elle-même, si nécessaire.

 

Dydrogestérone

DUPHASTON* Cp

Progestatifs de synthèse

Les progestatifs de synthèse ont trois indications principales : le traitement de l’insuffisance lutéale, la contraception où ils sont prescrits seuls ou le plus souvent associés à l’éthinylestradiol et le traitement de certaines tumeurs.

Insuffisance lutéale

Les progestatifs de synthèse sont utilisés dans le traitement de l’insuffisance lutéale en absence de grossesse,. notamment celle de la préménopause, et dans le traitement de l’endométriose et de certaines hémorragies fonctionnelles.

 

Médrogestone

COLPRONE* Cp

Chlormadinone

LUTÉRAN*

Nomégestrol

LUTÉNYL*

Promégestone

SURGESTONE*

Noréthistérone

PRIMOLUT-NOR*

Lynestrénol

ORGAMÉTRIL*

Contraception

Dans certaines conditions, la prise d’un progestatif seul sans éthinylestradiol peut avoir un effet contraceptif. Les progestatifs utilisés comme contraceptifs sont la noréthistérone, le lynestrénol, la norgestrienone, le lévonorgestrel, la médroxyprogestérone.

Selon les modalités d’administration on distingue :

  1. La contraception continue par voie orale, à faible dose, où l’ovulation n’est pas toujours supprimée, mais où l’imprégnation permanente par le progestatif rend le mucus cervical peu propice au transport des spermatozoïdes et l’endomètre impropre à la nidation. Le traitement nécessite la prise d’un comprimé par jour sans interruption, même pendant les règles. La prise concomitante d’un médicament à effet inducteur enzymatique peut rendre ce mode de contraception inefficace en accélérant l’inactivation du progestatif. Si une grossesse survient, elle comporte un risque majoré d’être extra-utérine. Les produits utilisés sont la noréthistéron, le lévonorgestrel, le désogestrel et le lynestrénol.
     

    Noréthistérone

    MILLIGYNON* 0,6 mg prise continue

    Désogestrel CERAZETTE Cp 0, 07 5 mg prise continue

    Lévonorgestrel

    MICROVAL* 0,03 mg prise continue

  2. La contraception discontinue par voie orale où le progestatif est pris à posologie beaucoup plus élevée que précédemment, mais seulement du cinquième au vingt-cinquième jour. A cette posologie, outre les modifications endométriales, les progestatifs ont un effet antigonadotrope et inhibent l’ovulation. Les produits utilisés sont le lynestrénol.
     

    Lynestrénol

    ORGAMÉTRIL* 5mg prise discontinue

  3. La contraception par voie injectable où le progestatif est administré sous forme de préparation à libération prolongée pendant trois mois. Cette méthode entraîne une imprégnation permanente par le progestatif à concentration élevée. La première injection doit être effectuée entre le premier et le cinquième jour du cycle. Ce mode de contraception est réservé aux femmes incapables de prendre en charge elles-mêmes leur traitement contraceptif. Les produits utilisés sont la noréthistérone et la médroxyprogestérone.
     

    Médroxyprogestérone

    DÉPO-PROVERA* IM 150 mg
    tous les 3 mois

  4. La contraception par implant sous-dermique qui permet une contraception de longue durée. Les produits utilisés sont le lévonorgestrel, le 3-kétodésogestrel appelé aussi étonogestrel , métabolite actif du désogestrel. La préparation d’étonogestrel appelée Nexplanon* assurant une contraception pendant environ trois ans.
     

    Etonogestrel

    NEXPLANON*, bâtonnet implantable

  5. La contraception par voie locale où le progestatif est associé à un dispositif intra-utérin comme moyen contraceptif .
     

    Lévonorgestrel

    MIRENA* Dispositif intra-utérin

    Le dispositif intra-utérin contient du baryum pour le rendre visible à l’examen radiologique. Ce mode de contraception intra-utérin n’inhibe pas l’ovulation et une grossesse extra-utérine peut s’observer. Le progestatif est le lévonorgestrel. Il existe par ailleurs des dispositifs intra-utérins à base de cuivre (Voir « Cuivre ».).
  6. contraception d’urgence
    Le lévonorgestrel seul, à posologie élevée, s’est montré efficace en contraception d’urgence dite post-coïtale c’est-à-dire après un rapport supposé fécondant, lorsqu’il est pris dans les 24 ou 48 heures suivantes (pilule du lendemain), 2 prises à 12 heures d’intervalle. Le lévonorgestrel seul et à posologie plus élevée que lorsqu’il est associé à l’éthinylestradiol entraîne moins d’effets indésirables (nausées, vomissements, sensations vertigineuses) qu’en association.

     

    Lévonorgestrel

    NORLÉVO* 2 Cp à 0,75 mg, 1 Cp à 1,5 mg

Traitement antitumoral

La médroxyprogestérone outre son utilisation chez la femme comme contraceptif, est utilisée à posologie très élevée, pour son effet anti-estrogène, dans le traitement de certains cancers du sein et de l’endomètre (200 à 500 mg par jour).

 
Médroxy- progestérone

FARLUTAL* Cp 500 mg Inj 500 mg
DÉPO-PRODASONE* Inj 500 mg

Le mégestrol, progestatif de synthèse dont la structure chimique est proche de celle de la médroxyprogestérone, est aussi utilisé à forte dose dans le traitement palliatif du cancer du sein. Il a donné, par ailleurs, des résultats intéressants dans le traitement du cancer de la prostate, en raison peut-être de son effet antigonadotrope, réduisant la sécrétion de FSH et LH.

 

Mégestrol.

MEGACE* Cp 160 mg

Progestatifs particuliers

La cyprotérone occupe une place à part parmi les progestatifs : outre son une action progestative, elle a un effet anti-androgène et antigonadotrope.

 

Cyprotérone

ANDROCUR* Cp

La drospirénone est un nouveau progestatif de synthèse dont la structure dérive de celle de la spironolactone, qui, outre son effet progestatif a un effet antiminéralocorticoïde de type spironolactone et un effet anti-androgène comme la cyprotérone : Elle est associée à l’ethinylestradiol, comme contraceptif.

La tibolone est souvent classée parmi les progestatifs. Mais, par elle-même et par ses métabolites, elle a des effets multiples : estrogène, progestagène et faiblement androgène. Le fait qu’en utilisation prolongée elle augmente le risque de cancer de l’endomètre laisse supposer un effet estrogène prédominant, non compensé par son effet progestatif.

 

Tibolone

LIVIAL* Cp

Effets indésirables des progestatifs

Les progestatifs de synthèse ne doivent pas être utilisés pendant la grossesse car, outre leurs propriétés lutéomimétiques, plusieurs d’entre eux ont des effets de type androgène et certains d’entre eux de type estrogène (cyprotérone), pouvant perturber le développement sexuel de l’enfant.

Ils peuvent entraîner des irrégularités du cycle menstruel, des saignements intermenstruels, et ceux qui ont des propriétés androgènes, de l’acné et une augmentation de la pilosité.

Antagoniste de la progestérone

La mifépristone ou RU 486 est un analogue structural de la progestérone qui s’oppose aux effets de celle-ci. Elle exerce une action compétitive au niveau des récepteurs de la progestérone dont elle inhibe les effets. Elle a, de plus, une action anti-glucocorticoïde et s’oppose ainsi aux effets du cortisol.

 

Mifépristone

MIFÉGYNE* Cp

La progestérone est indispensable au maintien de la grossesse, sa sécrétion ovarienne est augmentée dès la fécondation. L’administration de mifépristone en début de grossesse entraîne l’avortement. Elle est efficace comme contraceptif post-coïtal et est utilisée dans l’interruption volontaire de grossesse. Pour renforcer son action abortive en cas d’interruption volontaire de grossesse qui doit être faite avant le 50ème jour d’aménorrhée, elle est associée à des prostaglandines comme le géméprost ou CERVAGÈME* et le sulprostone ou NALADOR 500* qui favorisent les contractions utérines. En cas d’échec de l’interruption de la grossesse, celle-ci peut se poursuivre mais le risque de malformation du foetus sera augmenté.

La mifépristone pourrait être utilisée, en cas de dépassement du terme, pour déclencher le travail.

L’ulipristal, Ellaone*, est un antagoniste de la progestérone, utilisée en contraception postcoïtale.

 

Ulipristal

ELLAONE*, 1 comprimé = 30 mg

Pour plus d’information, voir Ulipristal.