Auteur : Pierre Allain

Facteurs de croissances non hématopoïétiques

Fibroblast growth factor, FGF

L’existence de substances favorisant la croissance des fibroblastes en culture est connue depuis 1939. Il existe plusieurs FGF ou facteurs de croissance des fifroblastes, dontun FGF-a ou acide et un FGF-ß ou basique. Il s’agit de polypeptides d’environ 150 acides aminés, synthétisés par les fibroblastes, les cellules endothéliales, les muscles lisses vasculaires. Ils agissent sur des récepteurs spécifiques.

Les FGF interviendraient dans l’angiogenèse, c’est-à-dire la synthèse de nouveaux vaisseaux, qui constitue un mécanisme essentiel dans la réparation des tissus, mais également dans le développement des tumeurs.

L’héparine protège le FGF-a et le FGF-ß de leur dégradation par divers agents et renforce leur activité.

Le sucralfate protège le FGF-ß de sa dégradation par l’acidité gastrique.

La suramine, dérivé polysulfoné du rouge trypan, utilisée dans le traitement de la trypanosomiase, inhibe l’activité du FGF-ß et réduit ainsi la néovascularisation. Elle inhibe en outre la fixation de certains facteurs de croissance aux cellules cibles. Son effet antinéoplasique en résulterait.

Le FGF23 occupe une place à part dans ce groupe : c’est est un polypeptide de 251 acides aminés, pouvant être produit par divers organes et présent dans le sang. Il est impliqué dans la régulation du métabolisme du phosphate et agit comme une hormone, désignée parfois par phosphatonine. Le FGF23 entraîne une hypophosphatémie par hyperphosphaturie du fait d’une diminution de la réabsorption tubulaire du phosphate, conséquence de l’inhibition du co-transporteur sodium-phosphate. De plus le FGF23 diminue l’expression et l’activité de la 1alpha-hydroxylase rénale ce qui provoque une .diminution de la biosynthèse de la 1,25(OH)2 vitamine D et de calcitriol. Les effets du FGF23 sont majorés en présence d’héparine. Des analogues du FGF23 sont en cours de développement ainsi que des antagonistes.

PDGF

Le PDGF, « Platelet Derived Growth Factor », protéine de poids moléculaire d’environ 30.000 daltons, est sécrété essentiellement par les plaquettes, accessoirement par l’endothélium, les muscles lisses vasculaires, les monocytes.

Il est formé de deux chaînes polypeptidiques A et B reliées entre elles par des ponts disulfures formant soit des homodimères, soit des hétérodimères. On distingue des PDGF-AA, des PDGF-BB, et des PDGF-AB.

La sécrétion de PDGF est activée par TNF-a, la thrombine, le facteur Xa, l’interleukine 1, l’angiotensine.

En activant des récepteurs spécifiques de type tyrosine kinases, le PDGF augmente la synthèse de certaines protéines, augmente l’activité d’une collagénase, la stromélysine et augmente la synthèse de l’inhibiteur des métalloprotéinases. Il augmente la prolifération cellulaire et a un effet vasoconstricteur et angiogénique et accélère la cicatrisation des plaies.

Le PDGF-BB, obtenu par recombinaison génétique et appelé bécaplermine, présenté sous forme de gel (RÉGRANEX*), accélère la cicatrisation des ulcérations cutanées des diabétiques. En application locale il a peu d’effets indésirables.

 

Bécaplermine

REGRANEX*, Gel application cutanée

Facteurs intervenant dans l’angiogenèse

L’angiogenèse est le processus qui conduit à la formation de néovaisseaux, étape indispensable à la croissance tumorale, dès lors que la tumeur dépasse un ou deux millimètres de diamètre et ne peut plus se nourrir par diffusion. Outre le FGF, le PDGF et le TGFa qui sont angiogéniques, un certain nombre de facteurs, notamment le VEGF,interviennent dans l’angiogenèse :

  • le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) active des récepteurs VEGFR-1 et VEGFR-2présents seulement à la surface des cellules endothéliales et a un effet mitogène et angiogénique. Le bevacizumab est un anticorps monoclonal anti-VEGF utilisé dans le traitement du cancer colorectal métastatique.
     

    Bévacizumab

    AVASTIN*, Solution injectable, en perfusion

    Le vatalanib est un produit de synthèse inhibiteur du récepteur du VEGF en cours de développement.

  • Le pégaptanib est une molécule de synthèse formée d’une chaine de 28 ribonucléotides, stabilisée par du polyéthylène glycol. C’est un polynucléotide, un RNA artificiel, qui a la propriété de se fixer au VEGF et de bloquer son activité, c’est un anti-VEGF. Il se trouve que le VEGF intervient dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou DMLA et le pégaptanib est commercialisé avec l’indication DMLA, forme néovasculaire. Il s’administre en injection intraoculaire toutes les 6 semaines.
     

    Pégaptanib

    MACUGEN*, solution injectable intraoculaire

    Remarque : La vertéporfine, Visudyne*, qui agit par un mécanisme totalement différent de celui du pégaptanib, est déjà utilisée dans le traitement de la dégénérescence liée à l’âge, voir Vertéporfine.

Les autres facteurs intervenant dans l’angiogénèse sont :

  • l’intégrine a5ß3 a un effet qui se rapproche de celui du VEGF.
  • Les angiopoïétines et les ARP (Angiopoietin-related-proteins) qui interagissent avec les récepteurs tyrosine-kinases Tie, Tie1 et Tie2. L’angiopoïétine-1 est un agoniste et l’angiopoïétine-2 est un agoniste/antagoniste selon les conditions. Un de ces facteurs appelé AGF (angiopoietin-related growth factor) a, outre son effet angiogénique, des effets métaboliques (anti-obésité).
  • L’angiostatine, fragment du plasminogène trouvé dans l’urine de souris porteuses de tumeurs, s’oppose spécifiquement à l’angiogenèse.
  • le facteur 4 plaquettaire présent dans les granules a des plaquettes, inhibe l’angiogenèse.

Dans l’avenir des médicaments pouvant modifier l’action de ces facteurs devraient apparaître.

NGF

Le NGF (Nerve Growth Factor) appartient à la classe des facteurs neurotrophiques. C’est un polypeptide d’environ 100 acides aminés, synthétisé dans diverses zones du cerveau, le cortex cérébral, l’hippocampe, le bulbe olfactif. Il est capté par les neurones cholinergiques qui le transportent jusqu’aux noyaux cellulaires.

Le NGF augmente l’activité de la choline acétyl-transférase responsable de la synthèse d’acétylcholine et inhiberait la dégénérescence des neurones cholinergiques notamment.

L’acide retinoïque qui joue un rôle dans la différenciation cellulaire pourrait entraîner une augmentation de la synthèse du NGF.

A côté du NGF d’autres facteurs neurotrophiques méritent d’être mentionnés car ils favorisent la survie des neurones et pourraient trouver des applications thérapeutiques dans les maladies neurologiques dégénératives comme la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique etc. Ce sont le GDNF (glial-cell line derived neurotrophic factor) polypeptide glycosylé, le BDNF (brain derived neurotrophic factor), la neurotrophine 3, la neurotrophine 4.

GDNF

Le GDNF (Glial cell line-Derived NeurotrophicFfactor) comme son nom l’indique, est principalement d’origine gliale. C’est un polypeptide de 136 acides aminés provenant de deux hydrolyses successives d’une préproprotéine de 211 acides aminés. Il agit sur un récepteur-enzyme à activité tyrosine kinase. Il stimule la croissance des neurones, particulièrement les neurones dopaminergiques et favorise leur survie.

La neurturine est un polypeptide ayant une structure et des effets se rapprochant de ceux du GDNF.

TGF

On distingue deux TGF (Transforming Growth Factor) le TGF-a et le TGF-ß. Le TGF-ß qui comporte trois isoformes appelés TGF-ß1, TGF-ß2 et TGF-ß3 est un polypeptide qui a des analogies avec le facteur inhibiteur des canaux de Muller.

Le TGF-ß stimule la croissance des fibroblastes et des chondrocytes mais est un puissant inhibiteur de la prolifération des cellules épithéliales, lymphoïdes et myéloïdes. Il bloque la croissance cellulaire à la phase G1 du cycle cellulaire et a un effet immunosuppresseur. Le TGF-ß augmente la synthèse des composants de la matrice extracellulaire tels que le collagène, la fibronectine, la tenascine et diminue la synthèse de protéinases comme la collagénase et la cathepsine L.

La complexité des effets du TGF-ß rend difficile l’utilisation thérapeutique de ses analogues ou de ses antagonistes par voie générale.

Le tacrolimus, outre son action inhibitrice sur la sécrétion d’IL-2, s’opposerait aux effets du TGF-ß.

EGF, facteur de croissance épidermique

L’EGF (Epidermal Growth Factor), facteur de croissance épidermique, est un polypeptide de 53 acides aminés. Il agit sur le le récepteur EGFR, récepteur tyrosine kinase et a des effets nucléaires.

L’oncogène HER2 code une protéine HER2 qui est exprimée en excès au niveau de la membrane plasmique des cellules tumorales de certains cancers du sein où elle joue le rôle de récepteur à activité tyrosine kinase de facteurs de croissance. La dénomination HER2 vient de Human Epidermal growth factor Receptor.

Le trastuzumab est un anticorps monoclonal recombinant humanisé qui en se fixant à la protéine HER2 la neutralise et freine ainsi la croissance tumorale des cancers du sein HER2 positifs mais pas des autres cancers.

 

Trastuzumab

HERCEPTIN* Injectable, IV perfusion

Le cetuximab est un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur du facteur de croissance épidermique. Il est utilisé dans le traitement du cancer colorectal métastatique exprimant le récepteur de l’EGF.

 

Cétuximab

ERBITUX*, solution pour perfusion

L’erlotinib est une molécule de synthèse de faible poids moléculaire, active par voie orale, dérivant de la quinazoline. C’est un inhibiteur de la tyrosine kinase du récepteur EGFR de l’EGF. Il inhibe la transduction du signal résultant de la stimulation de EGFR. Il est utilisé dans le traitement du cancer du poumon non à petites cellules.

 

Erlotinib

TARCEVA* Cp à 25, 100 et 150 mg

Le lapatinib est un inhibiteur des tyrosines kinases en cours de développement.

Facteur de croissance des kératinocytes

Le facteur de croissance des kératinocytes ou KGF, Keratinocyte Growth Factor est produit par les fibroblastes du derme et stimule la multiplication des cellules basales de l’épiderme et leur différenciation en kératinocytes.

La palifermine est un analogue du KGF et a la même action que lui , il stimule la multiplication des cellules basales de l’épiderme et leur différenciation en kératinocytes. La palifermine est utilisée dans le traitement de la mucite que l’on observe au cours des hémopathies malignes sous chimiothérapie.

 

Palifermine

KEPIVANCE* Inj

Chimiokines ou chémokines

Le terme chimiotactines, en anglais chemokines, contraction de « chemotactic cytokine », désigne les cytokines qui jouent un rôle dans le chimiotactisme et l’adhésion des éléments figurés du sang, notamment les leucocytes, à l’endothélium et à la matrice extracellulaire.

Il existe plus de 40 chimiokines habituellement divisées en familles selon que les résidus de cystéine qu’elles contiennent sont adjacents cyscys ou séparés par un autreacide aminé cysXcys ou par trois acides aminés, cys XXXcys.

Elles interviennent dans la margination des leucocytes circulants, dans leur adhésion à l’endothélium et leur activation pour libérer divers médiateurs.

Parmi les chimiokines, on peut citer l’IL-8 ( neutrophil activating peptide ) qui attire les neutrophiles et stimule leur effet phagocytaireet l’éotaxine, polypeptide libéré par divers types de cellules (dont les cellules endothéliales) qui agit sur un récepteur transmembranaire présent seulement au niveau des éosinophiles. Il active les éosinophiles et les attire par chimiotactisme et intervient dans les manifestations allergiques. La fractalkine, appelée aussi neurotactine, les MCP (monocyte chemo attractant protein), MCP-1, MCP-2, MCP-3, MCP-4, sont aussi des chimiokines.

Il n’y a pas encore de médicament modifiant spécifiquement l’activité des chimiokines.