Iodure de potassium, accidents de réacteurs nucléaires

Les accidents de réacteurs nucléaires peuvent comporter une libération d’iode radioactif. Si l’iode radioactif est absorbé par l’organisme, il s’accumule dans la thyroïde et augmente le risque de cancer de la thyroïde.

Pour réduire la fixation d’iode radioactif par la thyroïde on peut prendre une quantité d’iode, I127, stable, non radioactif, suffisante pour saturer la thyroïde et empêcher ainsi la fixation de l’iode radioactif (voir Métabolisme des hormones thyroïdiennes).

Un article récent fait le point sur la prophylaxie par l’iode stable des méfaits de l’iode radioactif, en discute les avantages et les inconvénients:

Verger P, Aurengo A, Geoffroy B, Le Guen B.
Iodine kinetics and effectiveness of stable iodine prophylaxis after intake of radioactive iodine: a review.
Thyroid. 2001 Apr;11(4):353-60. Review.

En principe, l’ingestion d’une seule dose de 130 mg d’iodure de potassium, soit 100mg d’iodure est le moyen proposé chez l’adulte. L’article mentionne également qu’une application cutanée de teinture d’iode à 2% , de 4 à 8 ml, peut être utilisée en remplacement de l’ingestion d’iodure. Pour situer les choses, 100mg d’iodure c’est plus de 500 fois l’apport quotidien habituel.

Il faut savoir que ce traitement est surtout recommandé chez l’enfant mais à une dose adaptée à l’âge!! !! Par ailleurs pour être efficace, la prise d’iodure de potassium doit se faire dans les heures qui précèdent la contamination (si elle est annoncée) ou dans les 3 à 5 heures qui suivent.

En pratique les comprimés d’iodure de potassium sont préparés par la Pharmacie Centrale des Armées sous la forme de plaquettes de 10 comprimés sécables dont la durée de conservation est de 5 ans. Chaque comprimé contient 130 mg d’iodure de potassium.
Ils sont mis gratuitement à la disposition des personnes habitant au voisinage (5 et 10 km) des centrales nucléaires. Les gens habitant au delà de ce rayon peuvent acheter ces comprimés dans les pharmacies, environ 30 F la boîte de 10 comprimés.
En cas d’accident nucléaire avec risque d’exposition de la population à l’iode radioactif, le préfet du département concerné peut préconiser la prise d’iodure de potassium et mettre en œuvre les moyens permettant de fournir les comprimés dans un délai très court.

Informations complémentaires

L’objet de Pharmacorama n’est pas l’évaluation des risques nucléaires mais la connaissance des médicaments et, en l’occurrence, ceux que l’on pourrait utiliser si un accident survenait. Cependant la curiosité m’a conduit à me poser et à poser des questions non directement médicales. Voici quelques questions avec leurs réponses:

  1. D’ou vient l’iode radioactif?

    La source d’énergie des réacteurs nucléaires est la réaction de fission de l’uranium 235 au cours de laquelle il y a formation d’iode radioactif.
    La production d’électricité d’origine nucléaire est assurée en France par des réacteurs à eau sous pression dans lesquels l’uranium se présente sous la forme de pastille d’oxyde d’uranium (UO2) d’un diamètre de l’ordre du centimètre. Ces pastilles sont placées dans un cylindre métallique étanche ou zircalloy d’une hauteur d’environ 4 mètres, appelé crayon combustible. Un cœur de réacteur nucléaire comprend plus de 40 000 crayons combustibles de ce type. Le cœur nucléaire est plongé dans de l’eau à la pression d’environ 160 bar, l’ensemble est placé dans un circuit fermé appelé circuit primaire. Le circuit primaire est lui-même emprisonné dans une enceinte de béton étanche.
    Lors de la réaction de fission de l’uranium 235, de nombreux éléments sont produits, dont l’iode radioactif sous forme gazeuse. Au cours du fonctionnement normal du réacteur cet iode reste piégé dans le crayon combustible parfaitement étanche. Pour s’échapper dans l’environnement l’iode radioactif doit franchir 3 barrières étanches : le crayon combustible, le circuit primaire et enfin l’enceinte de confinement.

  2. Cependant, malgré ces trois barrières, y a-t-il eu des accidents?

    La filière des réacteurs à eau sous pression n’a connu à ce jour qu’un accident sévère à Three Mile Island aux Etats-Unis en 1979. Une brèche du circuit primaire et une mauvaise gestion humaine en sont à l’origine. La conséquence a été une fusion du cœur et la libération des produits de fission tels que l’iode radioactif dans l’enceinte de confinement. L’enceinte de confinement ayant parfaitement joué son rôle, les rejets radioactifs dans l’environnement ont été limités et sans conséquences notables sur la santé publique. Cet accident a été à l’origine d’une profonde réflexion sur la sûreté nucléaire et les moyens à mettre en place pour renforcer la sécurité.

  3. En cas d’accident ou de risque d’accident, comment les décisions concernant la population (en dehors des mesures internes à la centrale) sont-elles prises?

    En France, la sécurité de la population en cas d’accident nucléaire d’un réacteur EDF est gérée par le préfet du département concerné. En cas d’accident à risque, EDF prévient immédiatement la préfecture. Le préfet décide des mesures à prendre dans le cadre du Plan Particulier d’Intervention (PPI) en s’appuyant notamment sur l’Organisation Nationale de Crise qui comprend, entre autres, des experts d’EDF et de l’IPSN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) prêts à agir dans l’urgence. Les experts estiment les risques de rejets radioactifs dans l’environnement, déterminent à quel moment ces rejets pourraient sortir de l’enceinte de confinement et quantifient les rejets éventuels. Le préfet peut, à l’aide de ces estimations sur la gravité de l’accident, décider des mesures de confinement de la population, de la distribution de pastilles d’iode, voire même de l’évacuation de la population se trouvant à l’intérieur d’un certain périmètre autour de la centrale nucléaire.

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