Commentaires à propos des biopsies en cancérologie.

Il n’y a pas que les médicaments à avoir des effets indésirables. Toute pratique médicale a ses avantages et ses inconvénients. Deux lettres récentes publiées par le BMJ rappellent le danger potentiel des biopsies si fréquemment pratiquées en cancérologie.

La lettre de G David Stainsby soulève le risque d’essaimage des cellules cancéreuses par les biopsies multiples faites au niveau de la prostate. La lettre de Dunne et collaborateurs souligne le risque d’essaimage des cellules cancéreuses par les biopsies hépatiques, à partir de tumeurs initialement résécables chirurgicalement. Un article du British Journal of Surgery de 2005 indique que chez des malades atteints de cancer colorectal métastatique à localisation hépatique le fait d’avoir eu des biopsies hépatiques préalablement à la résection chirurgicale réduisait de plus de 30% le taux de survie à 4 ans (par rapport à ceux qui n’avaient pas eu de biopsies).

L’avantage de la biopsie est d’affirmer le diagnostic en précisant s’il s’agit ou non d’une tumeur maligne, la méthode est incontournable si du moins les prélèvements ont été faits aux bons endroits. L’autre information que l’on attend de la biopsie est de caractériser la tumeur en vue du choix du traitement mais les tumeurs sont hétérogènes et il y a peu de données cliniques (sur la durée de vie par exemple) démontrant la supériorité d’un traitement établi d’après les résultats de la biopsie versus un traitement standard.

Les risques potentiels des biopsies en cancérologie sont suspectés depuis longtemps. En effet, spontanément, le risque de toute tumeur initialement localisée est de s’étendre à l’intérieur de l’organe atteint et de disséminer à distance sous forme de métastases. Le fait d’introduire des aiguilles, à travers tissu sain et malade, pour faire de multiples prélèvements, semble à première vue de nature à favoriser l’extension de la tumeur localement et suivant le trajet de l’aiguille et à augmenter le risque de dissémination à distance par voie sanguine ou lymphatique. L’existence de cet inconvénient des biopsies est niée par les cancérologues en général, leur principal argument étant qu’il n’y a pas d’étude clinique démontrant clairement le danger des biopsies. L’autre argument en faveur des biopsies est qu’il n’est pas envisageable de mettre en route une chimiothérapie lourde sans avoir la certitude de l’existence d’un cancer, ce que donne la biopsie. Cependant, une résection chirurgicale sans biopsie préalable est envisageable dans un certain nombre de cas. Enfin, des moyens d’exploration moins invasifs que les biopsies existent et une surveillance stricte de l’évolution des zones suspectes peut orienter la conduite à tenir.

Pour le malade, savoir qu’il a peut-être un cancer, quiescent ou à évolution rapide, n’est pas rassurant; mais craindre que des biopsies isolées ou répétées puissent provoquer une aggravation du cancer s’il existe, peut ne pas non plus être très rassurant. Alors fallait-il soulever ce doute à propos des biopsies?

Il adviendra peut-être de la pratique systématique des biopsies ce qui est advenu de la pratique systématique des saignées du temps de Molière : pour avoir sans doute sauvé spectaculairement des malades atteints d’oedème aigu du poumon, les saignées ont été appliquées à la plupart des malades jusqu’à ce qu’enfin leur nocivité globale soit reconnue.

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