Auteur : Pierre Allain

Thérapie génique

On connaît depuis de très nombreuses années des médicaments qui agissent en modifiant le fonctionnement des gènes sans pour autant être classés en thérapie génique. Les hormones sexuelles et thyroïdiennes, l’insuline, certaines vitamines comme la vitamine A modifient la transcription génique. Les inducteurs enzymatiques comme le phénobarbital stimulent la transcription génique et la synthèse de certaines enzymes. De nombreux médicaments altèrent le DNA, sa transcription, la traduction du RNA messager en protéines, notamment au niveau des microorganismes.

Au sens premier, la thérapie génique est le remplacement d’un gène défectueux, c’est-à-dire une séquence de DNA, par un gène normal et fonctionnel qui sera à l’origine de la synthèse de la protéine manquante ou défectueuse.

Au sens large, la thérapie génique consiste à introduire dans la cellule un gène qui sera à l’origine de la synthèse d’une protéine, pas nécessairement présente dans l’organisme normal, mais susceptible d’avoir, dans des circonstances particulières, un effet bénéfique pour le malade.

Dans un sens encore plus large, on entend par thérapie génique toute introduction dans une cellule de matériel génétique, gène, portion de gène, DNA, RNA, oligo-nucléotides, comme moyen thérapeutique. La thérapie dite antisens qui consiste à neutraliser une séquence de mRNA par le DNA complémentaire en fait partie.

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de médicament de thérapie génique ou antisens autorisé, pouvant être prescrit par un médecin, même hospitalier. Les considérations qui vont suivre sont donc seulement d’ordre informatif.

Moyens d’introduction d’une séquence nucléotidique dans une cellule

Pour être actif, un gène doit pénétrer dans la cellule mais cette pénétration n’est guère facile car les séquences de DNA sont polaires et traversent mal la membrane plasmique.

L’introduction d’un matériel génétique dans une cellule in vivo repose sur les principes généraux de la pharmacocinétique, adaptés à la particularité du médicament à introduire

Pour faire pénétrer un gène dans une cellule, on utilise des vecteurs qui sont soit des virus soit des liposomes.

Les virus sont soit des rétrovirus soit des adénovirus. Il faut utiliser des virus non pathogènes ou des virus pathogènes rendus non infectieux par élimination d’une partie de leurs propres gènes. Il doivent par ailleurs être non immunogènes car dans ce cas une administration répétée est difficile à envisager.

Chez l’homme, on ne sait pas introduire un gène normal juste à la place du gène déficient dans un chromosome déterminé. Le gène introduit dans le noyau peut être fonctionnel, c’est-à-dire être transcrit et être à l’origine de la protéine recherchée sans avoir une localisation chromosomique particulière.

Les oligonucléotides antisens (déoxyribonucléotides, mais il peut s’agir de ribonucléotides) sont de courtes séquences 10 à 20 nucléotides, le plus souvent 15 à 18, dont la stabilité a été renforcée en remplaçant la liaison phosphodiester par des liaisons plus résistantes, de type phosphorothioate par exemple, leur donnant une demi-vie beaucoup plus longue. Les molécules antisens peuvent être mixtes formées de déoxyribonucléotides (DNA) et de ribonucléotides (RNA) pouvant avoir ou non une activité de type ribozyme.

En règle générale, la séquence déoxynucléotidique antisens, complémentaire d’une séquence spécifique de mRNA, se fixe à cette dernière et empêche sa traduction dans la protéine correspondante.

La séquence déoxynucléotidique antisens peut aussi, lorsqu’elle pénètre dans le noyau, se fixer à un brin du DNA de la cellule, former une triple hélice de DNA, non transcriptible en RNA.

Par ailleurs, on peut distinguer deux techniques de thérapie génique : ex vivo et in vivo. Dans la technique ex vivo, les cellules à traiter sont prélevées chez le patient et, après introduction du matériel génétique choisi, sont réintroduites dans l’organisme. Cette technique a été utilisée pour introduire le gène de l’adénosine déaminase dans les lymphocytes ou mieux dans les cellules souches de la moelle osseuse de malades atteints de ce déficit enzymatique. Dans la technique in vivo, le matériel génétique est introduit par injection intraveineuse ou locale pour qu’il atteigne les cellules cibles.

Certaines préparations nucléotidiques se sont montrées actives après administration par voie orale.

Des polymères artificiels de type polyamide de faible poids moléculaire se lient sélectivement à des séquences de DNA intracellulaire.

La thérapie antisens par oligonucléotides apparaît relativement simple à mettre en uvre et permet de neutraliser d’une manière spécifique, au moins temporairement, la production d’une protéine. Mais cette protéine peut être utile dans tel type de cellule et néfaste dans un autre.

L’utilisation de RNA à activité enzymatique de type ribonucléase appelé ribosyme est à rapprocher de la thérapie antisens car elle permet de dégrader une séquence déterminée de RNA et donc de la neutraliser.

Applications

Les applications théoriques de la thérapie génique au sens large sont extrêmement nombreuses. Puisque les gènes sont à l’origine des protéines et que les anomalies des protéines sont à l’origine de diverses maladies, le champ d’application paraît illimité. Plusieurs possibilités apparaissent :

  • compenser un gène défectueux ou manquant en cas de maladies dites génétiques, dans la mesure où le ou les gènes responsables ont été identifiés
  • apporter un gène capable d’être à l’origine d’une protéine utile à un malade (cytokine, hormones, enzymes, antigènes, vaccins ou anticorps…)
  • empêcher la production d’une protéine jugée néfaste, facteur de croissance par exemple, par l’utilisation des oligonucléotides antisens. Un des premiers médicaments antisens à être utilisé en thérapeutique a été le fomivirsen. Il s’agit d’une séquence oligonucléotidique complémentaire d’une séquence de RNA messager du cytomégalovirus de la rétinite. Administré par voie intravitréenne (dans le corps vitré) il inhibe la replication du cytomégalovirus en arrêtant la synthèse d’un certain nombre de protéines. Il est utilisé en traitement local de la rétinite à cytomégalovirus chez des patients atteints de SIDA. Il a été commercialisé dans de nombreux pays sous le nom de Vitravene*mais ne l’est plus dans la plupart d’entre eux.

Mais, en pratique, la thérapie génique doit, comme tous les autres moyens thérapeutiques, faire la preuve de son efficacité et surtout de sa tolérance immédiate et à long terme.

Les rappels sommaires que nous avons fait en début de chapitre ont montré la complexité de la régulation génique et incitent à un optimisme pondéré pour l’utilisation de la thérapie génique au cours des prochaines années.